La "superbissima". Je connaissais cette île perdue de la Méditerranée à cause … des séjours linguistiques qui y sont organisés. Mais quand j’y suis allé la première fois, j’ai surtout été subjugué par ses fortifications arrogantes et massives qui se déploient sur toutes les pointes et dans tous les replis de ses anfractuosités. Les chevaliers de l’Ordre de Saint Jean (aujourd’hui Ordre de Malte) surnommèrent La Valette, la capitale qu’ils construisirent à cet endroit, la Città Umilissima (la ville très humble) ! L’histoire a fait mentir cette belle promesse et le surnom de « Superbissima » que lui donnèrent par la suite les têtes couronnées d'Europe lui convient beaucoup mieux. Je pense même que le nom de "Cité forteresse" lui va comme un gant. Je suis retourné sur les remparts de cette place forte fraîchement rénovée. Ils m’ont encore davantage impressionné que la première fois.
Pour comprendre pourquoi cette petite île de 25 kms sur 15 est devenue une citadelle aussi inexpugnable et protégée côté mer, il suffit de regarder une carte de géographie. Malte est à un carrefour entre la Méditerranée occidentale et la Méditerranée orientale, entre l’Europe latine au nord et l’Afrique arabe au sud. Soumise à tous les courants d’air et à tous les caprices des empires, elle a donc subi des dominations répétées : phénicienne, romaine, arabe, normande, espagnole… avant que les chevaliers de l’ordre de Malte ne s’y installent pour près de 250 ans, puis que Napoléon y entre, puis que les anglais, pendant plus de 150 ans, ne renforcent encore ses défenses.
Il faut aussi comprendre l’histoire. L’île, ancrée comme un navire de guerre, a toujours eu un esprit d’assiégé. Comme l’ordre de Saint Jean qui s’y est installé. C’était à l’origine un ordre religieux et militaire créé pour les croisades. Auparavant il avait été chassé par les ottomans de Jérusalem, puis de Chypre, puis de Rhodes avant de trouver refuge dans cette île. Mais les ottomans avaient promis d'éradiquer ce "nid de scorpions". Les chevaliers résistèrent en 1565 à une attaque massive de 40 000 soldats venus de Stamboul, la Constantinople musulmane.
On comprend donc que la ville de La Valette, les deux ports qui l’enserrent, et les "trois cités" d’en face ( Vittoriosa, Senglea et Cospicua), soient tous hérissés d’ouvrages militaires défensifs : murailles, bastions, fortins, redoutes, batteries, fossés, tours de guet, échauguettes,… Un peu comme Vauban en avait disséminé autour de la France. En comptant les édifices de la seconde guerre mondiale, il y aurait 60 kms de fortifications dans l’île de Malte dont 25 kms autour des ports de La Valette. Pour construire rapidement autant de murailles, les architectes ont bénéficié d’un atout géologique exceptionnel : la présence dans l'île carrières de calcaire tendre ("à globigérine"), facile à tailler, dont la couleur dorée donne sa teinte si douce à tous ces édifices. La Valette, au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1980, fête ses 450 ans en 2016. Elle sera capitale européenne de la culture en 2018. A 2 h 30 d’avion de Paris, c’est une visite facile que je ne regrette pas d’avoir faite.
