La fête des toutes les couleurs. Depuis quelques jours, le carême a abaissé son rideau grisé. Mais, comme chaque année, les images du mardi gras restent imprimées dans la mémoire des martiniquais, comme dans celle des visiteurs de passage. Moi qui suis un peu des deux, j’ai eu la chance de vivre un tel mardi gras et d’avoir vu les couleurs du carnaval éclabousser toute une ville et faire se trémousser ses habitants transformés. Les quelques images que j’ai rapportées de cette frénésie haletante ne sont qu’un petit échantillon de la fiesta qui s’empare de tous les recoins de la cité pendant de nombreux jours.
Tout commence par les boutiques. La Martinique est déjà par nature haute en couleurs, mais pendant cette période, c’est comme si tous les marchands de couleurs se donnaient rendez-vous dans son chef-lieu pour l’illuminer, le rhabiller, le transformer en habit d’Arlequin. Les magasins et leurs vitrines se parent de couleurs, toutes plus flashy les unes que les autres. Les mannequins sortent des boutiques pour s’avancer un peu plus sur les trottoirs et accrocher ceux qui hésitent encore.
Car chacune et chacun cherche à dénicher jusqu’au dernier moment le costume ou le masque le plus extravagant, excentrique, original, joyeux, provoquant. Pas la moindre gêne, on est loin physiquement et mentalement de la grisaille et du froid de Paris ! Je me suis retrouvée au milieu d’une foule d’habitants, petits et grands, jeunes et vieux, riches et pauvres, sortant petit à petit dans les rues, harnachés de costumes improbables et de couleurs pétantes. Ils ont revêtu du traditionnel, du drôle, du grotesque, peu importe, tous rejoignent un "vidé" (défilé). Tous sont en même temps acteurs et spectateurs de cette truculente pantomime. Arrivée par hasard à Fort de France à cette date, je n’ai pas eu le temps de me déguiser. Dommage !
Dehors, tout le monde se dandine et remue porté par les pulsations des orchestres et de leurs percussions dont la puissance s’amplifie progressivement, jusqu’à devenir irrésistible. L’enthousiasme et la joie gagnent les plus réservés. Une espèce d’ardeur, des rires, des transes envahissent la foule. Il en résulte une sorte d’hymne à la joie syncopé, rythmé et dansé d’un peuple d’anciens esclaves qui ont gagné leur liberté. La gaité, la réjouissance voire l’hilarité inondent la ville. De par mes racines j’ai intégralement plongé et je me suis baignée dans cette allégresse.
