S’échapper dans une chambre. Paradoxal ? J’avais besoin de m’échapper de mon quotidien, de fuir la routine, de partir loin de l’ennui. J’ai trouvé la clef des champs dans un "escape game" (1) parisien, "La Pièce" (2). Ce lieu porte bien son nom puisqu’on vous enferme pendant une heure dans une petite pièce en vous donnant un seul objectif : trouver la clef pour en sortir. A priori, en étant claquemuré dans un cube sans fenêtres, on est plutôt aux antipodes du voyage. Pourtant j’ai eu l’impression de m’évader et de prendre, quelque part, dans cette bastille plutôt sympathique, la poudre d’escampette. D’autant que le thème de ce jeu très en vogue que j’ai testé était "Alice au pays des merveilles" : pour moi, la boite de Pandore s’est ouverte et mon voyage fut mental, ludique et merveilleux.
Pour mon baptême en "escape game", tout a commencé précisément dans cette "pièce" mystérieuse. Celle-ci a l’air d’un salon aussi coquettement meublé que dans un film où Lewis Carroll, Agatha Christie, Maurice Leblanc, Georges Simenon et Arthur Conan Doyle auraient pu tenir conversation (s'ils avaient vécu à la même époque). Leur lumières nous auraient d’ailleurs été bien utiles pour sortir de ce gnouf. Nous avons bien ri. Car il a fallu affronter un imbroglio d’objets, meubles, mécanismes, chausses-trappes, chiffres et codes dans une course contre la montre pour ne pas nous empêtrer dans ce qui apparaissait de plus en plus comme un sac de nœuds.
Nous étions cinq adultes à nous être plongés ensemble dans cette échappée belle au pays d’Alice de notre enfance. Il fallait chercher, fouiller, fouiner, deviner, détecter, interpréter, comprendre,… Nous nous sommes faits inspecteurs en herbe pour retourner en enfance dans un imaginaire littéraire et pour décrypter une énigme. Car le scénario de "La Pièce", ce que j’ai apprécié, ne joue ni sur la peur ni sur l’oppression mais, entre logique et intuition, sur le rêve, le fabuleux, l’illusoire, la devinette,… Au cours de cette heure dense, intense, physique et animée, l’excitation est progressivement montée comme quand on prépare sa valise et qu’on ne veut pas rater un train ou un avion. Je n’en dirai pas davantage pour ne pas apparaître comme un affreux méchant spoiler.
Dans cette aventure, chaque participant a révélé un peu de sa personnalité, mais c’est surtout en définitive la cohésion, les complémentarités et la communication dans le groupe qui nous ont fait avancer. Car pour trouver le fil d’Ariane de ce jeu de piste en chambre, notre fine équipe a dû combiner l’attention, l’ingéniosité, la perspicacité, la vivacité, la sagesse et l’expérience de chacun. Personne ne s’est senti oppressé ni claustrophobe puisque chacun était parti dans son monde tout en jouant son rôle dans l’équipe pour avancer. Finalement, nous avons mis sens dessus dessous ce salon-capharnaüm … pour ne dénouer que 80 % de ce casse-tête fantasmagorique. Heureusement, la porte s’est quand même rouverte au bout d’une heure. Nous étions un peu déçus d’être arrivés si près du but, mais tout émoustillés par cette expédition.
On peut filer un peu plus loin la métaphore entre "escape game" et voyage. Dans les deux on s’aventure en terra incognita, il faut dénouer des situations, trouver des solutions aux problèmes et aux imprévus, laisser tomber les fausses pistes, tout au long d’un itinéraire pas forcément écrit d’avance, explorer et découvrir, acquérir ou perfectionner des qualités. Dans les deux, le temps est beaucoup plus dense que dans la vie normale… J’ai eu l’impression qu’un "escape game" est, d’une certaine manière, une petite école du voyage ou un voyage en miniature.
(1) Le concept d’"escape game" (ou "jeu d’évasion grandeur nature") a été créé au Japon en 2005. Il se présente comme une déclinaison réelle de jeux virtuels. Depuis, il s’est disséminé à travers le monde. Il est apparu en France en 2013 où il connait un grand succès et une rapide prolifération : 70 salles à Paris et plus de 500 dans toute la France !
(2) "La Pièce" 3, rue de Metz 75010 Paris