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Quelle heure est-il ?

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Heure temps changement pendules compressées du sculpteur Arman devant la gare Saint Lazare à Paris

Voyag’heure. Difficile de trouver l’heure exacte dans cet amas de pendules compressées du sculpteur Arman devant la gare Saint Lazare à Paris… près de la SNCF pourtant symbole d’hyper-ponctualité ! Aujourd’hui la France a changé d’heure. Depuis ce matin, nous aurons l’impression que le soleil se lève plus tôt parce que nous nous levons plus tard. Or pour moi, voyages et heures ont toujours été mêlés et les variations du temps sont beaucoup plus sensibles aux voyageurs qui vivent intensément chaque instant qu’aux sédentaires qui subissent chaque instant. Les grands hôtels ne s’y trompent pas qui affichent  derrière le comptoir de leurs réceptions plusieurs pendules donnant les heures simultanées dans différentes villes autour du globe.

Le tricotage et détricotage des voyages et du temps sont flagrants quand on s’éloigne vers l’est ou vers l’ouest : on change de fuseau horaire et donc d’heure. Notre rythme biologique doit se remettre en phase. C’est le "jet lag" contre lequel il faut combattre. C’est surtout sensible en avion long-courrier où l’on peut basculer d’un coup de 6 ou 8 heures, voire plus.  C’est moins brutal pour un voyageur qui prend le transsibérien vers l’Extrême-Orient ou un paquebot navigant vers les Amériques, et qui se contente de changer sa montre au jour le jour. Ces décalages horaires brusques ou progressifs soulignent la relativité de la notion de temps.

Heure et voyages sont aussi imbriqués parce que le temps d’un voyage est toujours un temps beaucoup plus dense et intense que la routine. Quand je rentre de 3 jours de voyage, je dis toujours "j’ai l’impression d’être parti un mois". Quand je rentre de 1 mois à l’étranger, je dis "j’ai l’impression d’être parti une éternité".  A chaque retour de voyage, tous mes amis et mes collègues me lancent "tu as de la chance !" comme si le voyage était un privilège hors du temps. Tout le monde aspire à voyager comme on attend une récompense pour échapper au quotidien.  

Car je suis persuadé qu’il existe un temps lourd comme il y a une eau lourde. Ce temps est un temps plus dense, consistant, choisi, qu’on "vit", chargé d’inattendus, qui motive, laisse une trace, des émotions positives et des souvenirs heureux. C’est celui que voulait figer le poète Lamartine (1). Ce temps ne s’arrête pas mais il est autre. Il est le plus rare et il est le contraire du temps que j’appellerais métronome qui ne tolère aucun écart, qui est vide, creux, répétitif, sans émotion ni surprise, le "métro boulot dodo" d’un quotidien aigri et gris qui se déroule implacablement. Le voyage est un des moyens d’échapper à ce temps-là. Un globe-trotteur m’a dit vouloir "vivre à 200 à l’heure" comme s’il cherchait à densifier son quotidien. D’autres m’ont parlé de "slow travel" pour prendre le temps de déguster leur temps, leur "carpe diem" en quelque sorte. Plus rapide ou plus lent, ce "temps lourd" du voyage est simplement plus profond, riche, mieux vécu.

Chez nous, les occidentaux nous sommes des drogués du temps que nous chronométrons au centième de seconde et mesurons sans cesse, persuadés que "le temps c’est de l’argent". Nous ne voulons pas perdre de temps pour ne pas perdre d’argent mais gagner du temps pour gagner davantage d’argent. Cette heure-là est un leurre. Elle est pourtant affichée partout autour de nous : montres, téléphones portables, ordinateurs, pendules, pointeuses, tableaux de bord des voitures, écran des horaires de la RATP, gares, aéroports, tic tac des pendules, sonneries des clochers,… Ce sont les repères des gens qui n’ont jamais le temps. Difficile d’échapper à cette pression !

J’en suis victime comme tout le monde. Même pendant des voyages et vacances, je reste dépendant d’heures à respecter : les heures de train, d’avion, services de repas, heures des activités,…  Pourtant mes meilleurs souvenirs de voyages sont ceux où j’ai le plus réussi à me déconnecter des pendules. Dans certaines randonnées en montagne, dans des "zones blanches"  (hors réseaux), en mer ou dans un désert on peut s’affranchir plus ou moins de cet esclavage. Vivre le temps plutôt que le compter !

Dans ce cas, on rejoint le mental des populations qui n’ont ni montres ni pendules parce qu’ils n’en ont pas besoin. Leur rythme de vie est réglé par le battement de leur cœur et de leurs pas, par le soleil, la lune et les étoiles. N’oublions pas que le temps (notamment celui que nous mesurons en secondes, minutes et heures) est déterminé par la nature : la rotation de notre planète sur elle-même et autour du soleil. Quand nous regardons au-delà de ces astres proches, nous plongeons dans l’abîme de l’infini du temps et de la petitesse de l’homme. Nous n’avons pas inventé le temps et nous ne sommes pas maîtres du temps Même si nous le surveillons en espérant mieux nous en affranchir. La mesure du temps n’est pas ce qui en fait la qualité.  

Pour moi, il est toujours grand temps de voyager pour sentir la relativité du temps, échapper à mes carcans, apprendre, découvrir, rencontrer, recevoir, donner, m’émerveiller, devenir maître de « mon» temps, de celui qui m’est propre, non pour l’arrêter ou le fuir, mais pour le vivre. Finalement, l’expérience des voyages m’a appris que le temps est ce qu’on en fait.  

(1)    – dans son poème "le lac" Lamartine écrit : "Ô temps ! suspend ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours !"

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