Proche des gens. Philippe Gougler qui présente cette émission montre un tourisme comme je l’aime : s’intéresser aux gens que l’on rencontre, riches ou pauvres, parler, échanger avec eux, compatir à leur vie, écouter, regarder au-delà des clichés, sans juger. Les trains finalement ne sont qu’un prétexte pour ce genre de voyages qui pourraient se faire de la même manière à pied, en voiture, à cheval ou en vélo… Ce qui compte, c’est l’ouverture d’esprit à la vraie vie. "Mon jeu préféré, dit-il, compter sur une rencontre pour avoir un but, trouver un passager qui me donne envie de découvrir quelque chose d’inattendu. Ça ne marche pas à tous les coups, mais il faut prendre et accepter ce qui vient, toutes oreilles ouvertes". (Tiens, ça me rappelle "j’irai dormir chez vous" !)
Philippe Gougler a parcouru de nombreux pays sur ce thème. J’ai retenu une de ses émissions qui m’avait particulièrement intéressé, celle sur l’Inde, le paradis du rail : plus de 64 000 kms de voies ferrées, 15 millions d’indiens dans les trains tous les jours… Il n’hésite pas à rester plus de 12 heures dans un train entre Bombay et Cochin. Là il s’installe dans un compartiment au milieu d’indiens pour bavarder simplement des choses de la vie : "nous acceptons les choses comme elles sont, on ne s’apitoie pas sur notre sort", expliquent ses interlocuteurs.
Il est dans le train comme dans ses étapes, toujours curieux, émerveillé, étonné. A Bombay, il s’intéresse aux monuments (Victoria station) mais surtout il descend derrière la gare dans le quartier pauvre et populaire des laveurs de linge qui ont les mains et les pieds rongés par la soude caustique et triment toute leur vie pour payer la dot de leurs filles à marier. A Cochin, il tire sur les cordes avec les pêcheurs pour remonter les filets géants. "Pourquoi êtes-vous toujours souriant même quand vous ne pêchez rien, » leur demande-t-il ; la réponse est immédiate "la tristesse ça n’a jamais aidé personne !". Dans les backwaters, il se mouille en descendant dans l’eau avec les pêcheurs qui attrapent des poissons en apnée, à la main.
Urbain, chaleureux souriant, ce présentateur modèle dans cette émission modèle dont beaucoup pourraient s'inspirer s’intéresse à tout, à la mécanique comme aux idéologies, il fouine, raconte, décrit, provoque de vraies discussions avec des questions gentilles ou provoquantes, s’étonne, compatit, goûte les piments ou les plats familiaux, teste,… Il s’initie à un art martial quitte à prendre un mauvais coup, descend au milieu d’une foule immense pour "communier" à une fête des éléphants,… Et il conclut "lentement, petit à petit, l’Inde peut vous faire voir l’autre différemment et vous emmener sur des routes que vous n’aviez pas imaginées" (cf Nicolas Bouvier). C’est pour moi l’essence même du voyage.
Vu sur France 5 mardi 21 octobre 2014, 15 h 10