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No photo !

musées interdiction No photo ! pas de chien, pas de sandwich... mais c'est l'entrée d'un magasin et non d'un musée

Pourquoi les photos ne devraient pas être interdites. Lors de mes voyages à travers le monde, j’ai rencontré deux sortes de musées  et de sites culturels : ceux qui interdisent les photos et ceux qui les autorisent ou, mieux, les favorisent. Les premiers sont de la vieille école, rigides, fermés, confits, crispés sur des règlements et formalités, maniaques de l'interdiction, ouvrant le parapluie administratif, jaloux du bien public comme si c’était le leur personnellement. Les seconds sont de la nouvelle école, ouverts, intelligents, modernes, dynamiques, prenant des risques et encourageant la dissémination de l’art vivant.

Ces derniers ont compris que ce ne sont plus les affiches papier qui font le succès d’une exposition ou d’un musée mais le gazouillis des réseaux sociaux, sans limites territoriales ni linguistiques. « Vous pouvez prendre des photos, sans flash, on l’encourage même », m’a glissé un gardien au Musée du Quai Branly à Paris. Plus un musée se ferme à la photo de ses visiteurs, plus il se recroqueville sur son seul patrimoine et ses petites éditions et plus il restreint ou dégrade sa notoriété. Au contraire, plus il s’ouvre à la photo, plus sa notoriété se répand vite et plus il donne envie d’être visité tandis que son patrimoine s’en trouve valorisé.

Examinons les arguments que j’ai entendus ou lus dans ce débat.

1-       En faveur de l’interdiction des photos.

-          Autoriser les photos empêche la vente de produits dérivés du musée : cartes postales, guides, posters,… C’est le principal argument de fond, la plupart du temps non-dit voire même non avoué, des conservateurs qui ont peur de perdre du chiffre d’affaires. Mais quand on voit l’affluence des boutiques de musées qui autorisent les photos on peut douter du bien fondé d’un raisonnement aussi étriqué. Surtout que, sans flash, il est difficile de prendre des photos exploitables. C’est une déviance du rôle du musée qui se concentre sur la rentabilité de sa petite boutique au lieu de se préoccuper de sa mission de diffusion de l’art.

-          Les flashes abiment les œuvres. C’est l’argument le plus cocasse entendu, mais encore très fréquemment invoqué. Existe-t-il la moindre étude scientifique qui en apporte le moindre début de preuve ? Les vrais risques pour les œuvres sont les projecteurs qui chauffent, les climatisations mal réglées, les manutentions sans précautions, les malades mentaux sans surveillance (puisque les gardiens ne se préoccupent plus que des photographes), etc,...

-          Les flashes répétés gênent les autres visiteurs et surtout le personnel. C’est à mon avis le seul argument qui mérite d’être pris en compte. Il l’est d’ailleurs puisque, les musées qui autorisent les photos interdisent les flashes. Idem pour les trépieds d’appareils qui représentent une gêne pour la circulation. Idem pour les perches à selfies qui risquent de blesser des personnes ou d'endommager des oeuvres. Mais interdire les flashes, les pieds et les perches, n’est pas interdire les photos !

-          Il faut protéger les œuvres contre le repérage de voleurs. Les voleurs ont-ils besoin de prendre des photos au risque de se faire repérer ? Avec les moyens technologiques actuels (caméra cachée), il n’est plus besoin de s’afficher pour prendre des photos. Par précaution, il faudrait aussi interdire les dessinateurs et les auteurs de croquis !

-          Il faut protéger le droit à l’image des visiteurs et des gardiens. Les visiteurs viennent-ils pour prendre en photo des visiteurs ou des œuvres et un monument ? Faut-il interdire de prendre des photos dans la rue sous prétexte qu’on pourrait prendre en photo des passants. Les visiteurs photographes sont les seuls responsables de l’usage qu’ils font de leurs photos. Ce sont eux qui subiront les conséquences d’une utilisation anormale. La seule restriction acceptable est de demander l’accord d’un employé si on veut le prendre en photo.

-          Il faut tenir compte du droit des propriétaires privés d’œuvres de s’opposer aux photos. Mais une personne qui prête une œuvre à un musée, le fait normalement parce qu’elle accepte de la montrer, ce n’est pas pour la cacher. Si elle a peur qu’on la lui vole ou qu’on prépare un vol en la photographiant, c’est illusoire puisque aujourd’hui n’importe qui peut prendre une photo quand il le veut. S’il a peur d’une utilisation commerciale, pense-t-il qu’on peut faire, sans trépied ni flash, des photos de qualité suffisante pour une reproduction? C’est improbable. De toute façon c’est aux conservateurs de musées de donner la préférence à chaque fois que c’est possible aux prêteurs les plus ouverts et intelligents qui ne barricadent pas leur prêt derrière de hautes murailles juridiques. Si les conservateurs les y aident, les prêteurs peuvent aussi évoluer.

-          Ceux qui prennent des photos dans un musée, n’en font rien après ! Ce sont des maniaques de la photo, ils amassent des photos pour amasser des photos, point final. J’ai entendu cet argument et ce jugement sans appel. Faut-il alors aussi interdire de prendre des photos en vacances. L’usage qu’une personne fait de ses photos, est-ce le problème du conservateur ou des autres visiteurs ?

-          Les photographes ne regardent même pas les œuvres, mais ne se préoccupent que de leurs photos ! Mais que regardent-ils donc à travers leur objectif ? Je pense personnellement qu’ils ont un regard beaucoup plus affuté et concentré sur l’objet de leur attention que les quidams qui font leur promenade dans le musée, distraitement, les mains dans les poches en bavardant, attitude que j’ai très souvent constatée chez des non photographes.

2-       En faveur de la liberté de photographier

-          Ce sont les interdictions qui créent le trouble : je vois régulièrement dans les musées où la photo est interdite, des gardiens hystériques hurler à l’encontre de photographes (parfois supposés, je l’ai vérifié plusieurs fois).

-          Ce sont les interdictions qui rendent la vie des personnels impossible. Ils sont obligés de faire une chasse permanente et vaine aux photos au lieu de se concentrer sur l’essentiel (la protection des œuvres) dont ils sont détournés : quand ils s’acharnent sur un photographe deux ou trois autres personnes en profitent pour faire une photo ! Sans interdiction, le travail du personnel devient plus serein car il n’est plus focalisé sur un faux problème.

-          Interdire la photo devient de plus en plus difficile, voire complètement impossible puisque, à moins d’une fouille au corps à l’entrée (ce qu’on ne fait même plus dans les prisons), les appareils et téléphones sont de plus en plus nombreux, miniaturisés et divers et la technologie permet de cacher les prises de vues.

-          Qui sont les gêneurs ? Si les photographes sans flashs sont des gêneurs, il faut aussi interdire les groupes qui font écran devant les œuvres, les pédants qui parlent trop fort ou les myopes qui viennent se coller tout près des œuvres.

-          Le droit de prendre des photos dans un musée est un outil pédagogique. Un photographe ne prend pas systématiquement toutes œuvres du musée qu’il visite. Il s’arrête sur les œuvres qui le touchent vraiment et se les approprie ainsi d’une certaine façon. Quand il revoit ses photos, ou mieux quand il les partage avec son regard et ses émotions, il parle de ces œuvres qu’il a aimées et peut échanger à leur sujet. La photo dans un musée est un outil de démocratisation et de diffusion de l’art.

-          Permettre la photo dans un musée correspond profondément à sa mission : faire connaître l’art, favoriser sa diffusion, son appropriation, contribuer à sa démocratisation. C’est une manière de faire sortir l’art des musées et de le faire entrer dans la vie.

-          Autoriser la photo pour un musée, c’est bénéficier du levier de communication incomparable que sont les réseaux sociaux. Quelques musées sont pionniers dans ce domaine en organisant par exemple des concours de selfies en France ou à l'étranger : un musée de Manille (Philippines) l'a bien compris qui invite ses visiteurs à entrer dans la création artistique avec des selfies. 

-          Laisser les visiteurs prendre des photos est un gage de leur satisfaction, de leur fidélisation et de la communication positive qu’ils feront en faveur du musée. 

Le sujet est suffisamment sensible pour que le Ministère de la culture français ait tenté de reprendre les choses en mains. Il lui a fallu plus deux ans de travail pour aboutir en juillet 2014 à une « charte des bonnes pratiques », mi-figue mi-raisin : ce document, lit-on, « ne cherche pas à interdire la prise de photos dans les lieux culturels mais plutôt à circonscrire les usages ». Il fallait contenir la pression de personnalités et d’associations favorables à la liberté de photos dans les musées tout en offrant un parapluie aux conservateurs frileux. Un pas a été fait pour que la culture vive avec son temps et ne reste pas enfermée dans un bocal de formol. Mais les principes généraux très ouverts affichés dans cette charte souffrent de beaucoup d’exceptions, en particulier dans les expositions temporaires. Dans deux expositions que j’ai visitées après la publication de cette charte (« Voyages » de Philippe Djian au Louvre et « Fashion Mix » au musée de l’immigration), à chaque fois un gardien très agressif m’est littéralement tombé dessus en criant parce que je sortais mon téléphone portable pour prendre une photo en toute bonne foi. Difficile de visiter une exposition de manière sereine dans ces conditions. C’est bien ce que je redoutais, « circonscrire les usages » est une manière sournoise de rouvrir en grand la porte aux interdictions !

 

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