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Thierry Leroy, prêtre, écrivain, voyageur : "Quand je vais quelque part, j’y retourne et j’y re-retourne"

Il a déjà publié six ouvrages (1) et se prépare à sortir son septième. Ce curé du pôle missionnaire catholique de Meaux, passionné d’histoire et en particulier d’histoire biblique, concentre ses voyages sur le bassin Méditerranéen où il s’enracine dans quelques villes comme Florence, Jérusalem ou Alger, qui ont inspiré certains de ses livres. 

Thierry Leroy, prêtre, écrivain, voyageur
Qu’est-ce que le voyage pour vous ? Comment le goût vous en est-il venu ?
Mes parents n’étaient pas voyageurs, mais j’avais un oncle globe-trotteur qui me fascinait quand j’étais enfant. Il travaillait à l’IGN au Mali. Je me souviens qu’il avait pris un congé sabbatique pour partir à Haïti où il était resté deux ans du temps de Baby Doc. Il était passé par New York et s’était établi aux Etats-Unis où il a vécu 7 ans. Cet oncle-là, qui était un marginal dans ma famille, a eu une importance dans mon envie de voyager. J’ai fait mon premier grand voyage pour aller le voir à New York. J’y suis resté 1 mois. Cette expérience a stimulé mon goût pour les voyages et mon goût pour découvrir plus de choses ailleurs.
Aujourd’hui, mes voyages sont plutôt centrés sur le pourtour de la Méditerranée : l’Egypte, Israël, la Palestine, l’Algérie et l’Italie où je vais au moins deux fois chaque année dont une fois à Florence. Car mon goût du voyage est lié à l’histoire et reste axé sur ma recherche de racines proches ou lointaines.
En même temps, paradoxalement, même si j’ai une certaine passion du voyage,  je ne me sens pas profondément voyageur car je suis plutôt de tempérament casanier. Dans un voyage j’aime bien quand je rentre. En même temps, ce n’est pas un hasard,  quand je vais quelque part, j’y retourne et j’y re-retourne comme si je voulais m’y enraciner. Je ne sais pas si cette attitude est typique ou atypique.
 
Comment choisissez-vous les pays que vous visitez ou sur lesquels vous écrivez ?
Je n’ai pas une curiosité pure à priori pour tel ou tel pays, mais ma curiosité doit être provoquée par quelqu’un ou quelque chose.  Il faut que l’occasion se présente.  Ce fut le cas à New York avec mon oncle, mais aussi en Egypte où je suis retourné 5 fois, en Israël ou en Algérie. Souvent ce sont donc des liens ou des rencontres fortuits qui ont creusé une passion. Je rêve d’aller en Grèce, mais je n’y suis pas allé parce que l’occasion ne s’est pas encore présentée.  En même temps, partout où je vais, je m’intéresse à ce qui s’est passé avant. Je fouille en profondeur dans l’histoire et je construis avec ce pays une relation en profondeur.
 
Le pèlerinage est-il une forme de voyage pour vous ?
Les pèlerinages sont une autre façon de voyager. Mais je n’ai même pas fait un bout du chemin de Compostelle, il y a trop de monde et c’est trop à la mode. En revanche, j’ai parcouru beaucoup de chemins sur les traces de Saint François en Italie dans le sud de la Toscane et d’Assise vers Rome, parfois en dormant à la belle étoile.
Dans l’itinérance du pèlerinage, le but du voyage est d’arriver quelque part, mais surtout de se déplacer, de rencontrer des paysages et des gens. Ce voyage avec les pieds est au contact du terrain nuit et jour. La rencontre avec les gens s’y fait autrement. Par exemple quand il faut demander de l’eau ou un renseignement, le rapport est différent. On est dépossédé de quelque chose, vulnérable, demandeur, comme Saint François.
En marchant, on a davantage de temps pour penser, prier, méditer, tout en étant au contact quotidien de la réalité ne serait-ce que par les douleurs et les ampoules.  On est davantage confronté à soi-même et à ses limites. Dans la ville de Gubbio en Italie nous avons relu l’épisode de la vie de François d’Assise où ce saint avait apprivoisé un loup féroce. C’était l’occasion de se demander : « quels loups féroces ai-je à apprivoiser en moi »? De plus quand la marche se fait en groupe, on est poussés à s’entraider.
 
Mais aujourd’hui un voyage commence souvent en avion ?
On est dans un monde où tout va très vite dans la vie quotidienne comme dans les voyages. Je suis à 1 heure d’avion de Pise ou 2 heures d’Alger. Quand j’étais curé de campagne, je passais beaucoup de temps en voiture. Paradoxalement, maintenant que je suis à Meaux, je marche beaucoup dans la ville. Ce qui me donne une relation différente aux gens et à l’environnement. Quand je vais à Florence, je reste dans la ville car j’y suis comme chez moi, je marche à pied et j’y vis comme un habitant même si je n’y séjourne qu’une semaine.
 
Pourquoi Florence ?
L’occasion avait été un premier voyage où j’étais allé pour accompagner un groupe de jeunes d’aumônerie. J’avais été tellement saisi par la Piazza della Signoria et le Duomo  que je me suis dit, "j’y retournerai". Et j’y suis souvent retourné. J’y ai bien sûr découvert les monuments mais aussi les endroits bien moins connus, les petites rues.  J’ai creusé les vestiges de son histoire. J’ai appris à y connaître les gens et à y vivre. Je m’y sens bien. Et par amour pour l’Italie et Florence, j’ai même appris l’italien depuis 4 ou 5 ans. Puis j’ai découvert de la même façon Rome et Assise. 
écrivain Thierry Leroy avec vue panoramique sur Florence
Et Jérusalem ?
Je trouve génial de me perdre dans cette ville qui est un dédale et qui concentre sur quelques mètres carrés une profondeur d’histoire incroyable. Elle concentre à la fois une succession historique et une simultanéité de cultures et de religions.
 
C’est un paradoxe que cette ville, dont le mot "paix" est contenu dans l’étymologie de son nom, soit une ville de guerre ?
C’est vrai que cette ville a été des dizaines de fois prise, reprise et détruite. La paix c’est une promesse. Dans le livre biblique de l’Apocalypse, la Jérusalem céleste devient l’épouse du Christ. Mais une promesse de Dieu ne se réalise que lorsque l’homme y croit et veut la réaliser.
En même temps, il y a une telle concentration de foi et de religiosité dans cette ville, que les esprits fragiles en font une indigestion mentale. Ce n’est pas un hasard si l’on parle du syndrome de Jérusalem qui touche des gens psychologiquement éprouvés se prenant pour des prophètes. Il y a même un service spécialisé sur ce sujet à l’hôpital de Jérusalem.  Curieusement, j’ai écrit sur deux villes à syndromes puisque à Florence on parle du syndrome de Stendhal : devant un tel afflux d’histoire et d’art on peut se sentir mal.
 
Qu’êtes-vous allé chercher en Algérie ?
J’y suis allé pour rechercher des racines de mon père décédé en 1997. Il avait fait la guerre d’Algérie et en parlait très souvent. Je voulais me réapproprier son histoire. J’y ai découvert culturellement un autre monde. Mais il reste encore imprégné de 130 ans d’histoire commune avec la France. Avec certains bâtiments haussmanniens d’Alger on se croirait rue de Rivoli à Paris. Ce pays avait déjà été ottoman et espagnol avant d’être français et représente un melting-pot qui m’intéresse.
La capacité d’accueil des algériens est impressionnante. J’en prends des leçons à chaque fois que je me promène seul dans les rues du centre d’Alger. Les algériens sont accueillants, respectueux et sans hostilité. J’y ai notamment fait la connaissance d’une famille algéroise avec qui je suis devenu ami. Ces amis ont une culture francophone forte, ils mangent français, notamment du pain, regardent la télévision française et parlent français quasiment sans accent. 
Pourtant il subsiste un type de relation ambiguë du type  "je t’aime moi non plus" au niveau politique et institutionnel : la crédibilité des politiques est d’avoir fait l’Algérie indépendante contre la France et il subsiste une volonté d’exister en opposition avec la France. 
écrivain Thierry Leroy dans une rue d'Alger
Vous êtes allé jusqu’au monastère de Tibhirine ?
Effectivement l’été dernier, j’ai pu visiter le monastère de Tibhirine. C’est le lieu de mémoire d’une vie monastique. Mais ce n’est pas un lieu momifié, ni un musée. Ce lieu vit toujours au contact de la population. L’exploitation agricole a repris et l’hôtellerie est rouverte. Trois religieuses, un prêtre et un laïc y vivent.  Le groupe  de dialogue entre chrétiens et musulmans "Ribât es-Salâm" (le lien de la paix) créé par les moines avant leur assassinat va reprendre.
19 ans après la disparition des sept moines, il y a de plus en plus de visiteurs, notamment algériens musulmans. J’ai vu un jeune du village voisin venir avec un grand plateau de pâtisseries pour remercier de l’aide qui lui avait été apportée.  Certes dans la religion musulmane la vie monastique n’existe pas et le célibat des moines interroge. En même temps j’ai compris que s’il y avait eu 18 prêtres et religieux assassinés durant la guerre civile algérienne, les morts algériens se comptaient par dizaines de milliers.
 
Etes-vous allé en Afrique noire ?
Je suis allé passer une semaine en Casamance au Sénégal où j’ai été reçu par un prêtre ami. La situation politique de cette région est d’une complexité qui me dépasse. Il faut y rester plus longtemps pour comprendre un pays. J’y ai été marqué par l’accueil que j’ai reçu mais le dépaysement était pour moi complet, même si on y parle la langue française. Je m’y suis senti plus étranger que dans le monde arabe que j’ai beaucoup plus fréquenté.
 
Y a-t-il des pays  où vous aimeriez aller dans le monde ?
Comme je le disais, il y a la Grèce, mais aussi l’Amérique du Sud, en particulier le Brésil et Cuba, mais aussi la Chine. Mais comme je l’ai expliqué, j’attends le déclic.
 
Est-ce que les voyages de la Bible vous inspirent ?
Le voyage est constitutif de la Bible, même si ce livre raconte l’histoire d’une terre. On y trouve toutes sortes de voyages. Les voyages bibliques inspirent ma spiritualité et je relie sans cesse l’histoire du peuple de Dieu et mon histoire. On y trouve aussi des paraboles sur les voyages intérieurs que l’on doit faire. Lorsque j’ai des entretiens d’accompagnement spirituel, j’écoute la personne que j’accompagne puis je lui prescris la lecture de voyages bibliques comme celui d’Abraham, de Jonas, d’Elie fuyant dans le désert, de l’Exode, … Ces lectures ont une vertu thérapeutique en nous raccrochant à des récits en rapport avec notre propre histoire et notre vie.
 
Que signifie pour vous un "voyage intérieur" ?
Je marche intérieurement donc je suis. Ce qu’on a été, ce qu’on est, ce qu’on devient et ce qui nous arrive nous transforme par rapport à Dieu. Ces voyages sans retour sont beaux, mais quelque part effrayants parce qu’on ne sera plus comme on était avant : je suis la même personne et je ne suis plus la même personne. Quelque chose s’est passé.
 
(1)Les ouvrages de Thierry Leroy :
-          "Le testament de Saint Luc", éditions Albin Michel 1996
-          "Le baptiseur", éditions Albin Michel 1998
-          "Myriam choisie entre toutes", éditions Bayard 2000
-          "Marie entre toutes les femmes", éditions ACGF, 2001
-          "Elles, Jérusalem", éditions Publibook 2007
-          "Renaissances florentines", éditions Salvator 2014 
Destinations concernées: