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Hakim Rahamatali : " Du voyage contraint au voyage passion "

Né au Rwanda en 1986, il a dû fuir ce pays dans des conditions dramatiques. Installé avec sa famille en France, il est diplômé de l’école de commerce de Grenoble et travaille comme auditeur financier chez Mazars, un cabinet international d’audit. Il est retourné plusieurs fois au Rwanda et est devenu un grand voyageur passionné sur tous les continents.

Hakim Rahamatali
Aviez-vous voyagé pendant votre enfance au Rwanda ?
Mon père, qui était d’une famille originaire du Pakistan, adorait voyager. Il avait parcouru l’Europe, le Kenya et la Tanzanie et était abonné à des revues de voyages qui me faisaient rêver. Il adorait la nature et il nous emmenait souvent en minibus avec des cousins  camper dans les parcs naturels du Rwanda. J’ai gardé un souvenir heureux de ces voyages en famille pendant lesquels on  s’amusait beaucoup.
 
Mais votre premier grand voyage s’est passé dans des conditions terribles ?
Un jour quand j’avais 8 ans, des militaires Hutu sont entrés dans notre maison nous menaçant, nous volant en tirant des coups de feu et en nous donnant quelques heures pour partir, car nous étions Tutsi. Le génocide était en route. Nous sommes partis précipitamment à dix dans une voiture, avec mon frère et d’autres parents, pour nous réfugier dans un hôpital  protégé par les Nations-Unies.  C’est là que nous avons appris que notre père avait été tué. Alors nous avons rejoint un convoi de voitures qui a pris la direction de Byumba dans le nord, une ville contrôlée par l’armée Tutsi du FPR. Ce voyage d’une nuit puis d’une journée, entassés les uns sur les autres, dans l’angoisse et la terreur, m’a semblé interminable, éprouvant et effrayant car il y avait des cadavres ou des victimes mutilées partout. De Byumba, où nous avons pu enfin arriver, nous avons rejoint certains membres de notre famille en Ouganda. Nous étions sauvés mais terriblement éprouvés.
 Quelques mois plus tard, notre mère a réussi à nous emmener en France où nous avions aussi de la famille : ce deuxième voyage contraint  a été pour moi mon premier vrai contact avec l’étranger géographique et humain et cela a attisé ma curiosité. Nous avons vécu un an dans un foyer de réfugiés à Maisons Alfort. Beaucoup d’africains et de réfugiés des pays de l’est qui y vivaient avec nous avaient aussi dû fuir leur pays. Nous nous aidions les uns les autres à surmonter nos épreuves.  C’était une découverte enrichissante de personnes venant du monde entier.
 
Etes-vous retourné au Rwanda ?
Ce n’est que 5 ans après, en 1999, que j’ai pu faire mon premier voyage retour au Rwanda pour revoir la famille et me recueillir sur le lieu où mon père avait été tué. J’avais 14 ans et déjà une sensation bizarre : à Kigali on me reconnaissait mais je me sentais déjà un peu étranger. Le Rwanda n’était plus celui que j’avais connu parce la population avait changé. Il y avait en particulier beaucoup d’anglophone. Depuis, je suis retourné quatre fois au Rwanda et au Burundi. Je suis très attaché à mon pays et j’aime y retourner, comme si je rentrais à la maison, car c’est là où, en quelque sorte, que je dois être. A chaque fois que je sors de l’avion, j’éprouve une sensation que je ne ressens nulle part ailleurs, celle du retour chez soi. Pourtant, le pays évolue chaque fois un peu plus et j’ai toujours l’impression d’avoir raté quelque chose. Par exemple, je parle moins bien la langue kinyarwanda que je ne pratique plus. Au regard des gens, je sens que je ne suis pas du pays. J’ai le sentiment d’être un peu étranger chez moi. Ce qui ne m’empêchera pas d’y retourner tous les deux ou trois ans, pour revoir ma famille, pour être à la maison, et parce que c’est un très beau pays.  Mais là je parle déjà comme un touriste. C’est comme si j’avais le cul entre deux chaises : je raisonne comme pour une destination touristique alors que c’est mon pays. De toute façon, je pense aussi que j’y vais pour oublier mon quotidien français, voir des gens qui pensent différemment et qui sont plus accueillants. C’est d’ailleurs ce que je recherche un peu aujourd’hui dans tous mes voyages.
 
Car vous avez fait aussi beaucoup d’autres voyages ?
Je suis curieux de nature et même à Paris j’ai toujours aimé parler à des étrangers. Je fais de fréquents allers retours à Bruxelles où vit une partie de ma famille. J’ai fait de nombreux déplacements en Europe : Grande-Bretagne, Suisse, Espagne, Portugal et Italie où j’ai en particulier adoré la Sicile, une île où je me suis senti vraiment dépaysé. Si bien que dès que j’ai un peu d’argent, je fais un voyage. D’autant que notre génération vit avec Internet au quotidien. C’est une fenêtre ouverte sur le monde. On y lit beaucoup de choses qui nous donnent envie de partir et de découvrir. Nous voyageons davantage parce que le monde est plus ouvert.  Les voyages sont donc devenus un de mes premiers postes de dépense, avant les vêtements et les autres loisirs. La seule chose qui peut m’arrêter est le très grand froid et je suis plutôt attiré par l’Asie. Aujourd’hui j’ai mis les pieds sur quatre des cinq continents.
 
Comment  choisissez-vous vos destinations ?
Je les choisis souvent en fonction de mes contacts, de mon entourage. C’est ainsi que je suis allé en Guyane où j’ai des amis et d’où j’ai pu faire des incursions dans les pays voisins (Brésil, Surinam). Je suis parti au Viêt-Nam parce que des proches m’en avaient parlé. Quand c’est possible, je préfère découvrir un pays  en compagnie d’une personne qui le connaît bien, ce qui me permet d’entrer dans le vrai quotidien des habitants. Quand je suis allé en Thaïlande, je ne connaissais personne et j’ai été frustré de ne pas pouvoir entrer dans le quotidien des gens ni de comprendre comment ils vivaient. Au Viêt-Nam, où je n’avais pas d’accompagnant du pays, et où mon amie et moi improvisions notre voyage au jour le jour, j’ai été très heureux de rencontrer sur un bateau pour touristes dans la baie d’Halong  un guide local très bavard qui m’a donné une vision réaliste du quotidien vietnamien.
En Jamaïque, que j’ai aussi découverte avec des amis, la réputation dangereuse de cette île a restreint notre liberté. Je n’y aurais vu que des grands hôtels si je ne m’étais pas échappé  dans un petit village, Manchester, absolument pas touristique chez des amis jamaïcains d’amis qui nous ont reçus royalement pendant trois jours dans une maison en travaux, qui nous ont promenés dans le village et fait rencontrer des villageois. Dans ce pays, il n’y a pas que les plages, mais un intérieur verdoyant magnifique et des gens généreux. Il ne faut donc pas toujours prendre à la lettre tout ce qui se dit et s’écrit et savoir parfois, sans jouer avec le feu, écouter son instinct.
J’ai éprouvé la même sensation au Cap Vert parce que j’y avais acheté un séjour all inclusive bon marché et que je n’avais pas les moyens de sortir de l’île désertique de Sal. Il n’y avait que des touristes sur la plage. Heureusement, j’ai sympathisé avec des employés de mon hôtel qui m’ont emmené, pas très loin, passer une soirée dans leur village où, cette fois, il n’y avait pas un seul touriste.
 
Vous avez beaucoup de projets de voyages ?
Je n’ai pas assez visité de pays et j’ai une grande soif d’en connaître davantage. J’aimerais par exemple retourner en Guyane ou aller en Argentine parce que mon amie qui y a vécu six mois m’en a beaucoup parlé.  J’ai l’intention de faire au moins un grand voyage par an, si possible deux. Je préfère me priver sur d’autres dépenses.
Mes voyages professionnels aujourd’hui sont assez fréquents mais pas très funky, toujours dans des villes de province française où je n’ai le temps de voir que des salles de travail et le soir un restaurant. Mais j’aimerais bien un jour travailler à l’étranger. Mes voyages aujourd’hui sont trop rapides et je suis à chaque fois frustré de devoir repartir. C’est pourquoi, je rêve de partir six mois ou un an dans un ou plusieurs pays, sans forcément faire un tour du monde.
 
Pourquoi tous ces voyages ?
Ce qui m’attire le plus en voyage est de m’immerger dans des mondes différents, de découvrir et connaître d’autres cultures, d’autres histoires, le dépaysement en somme. Je suis aussi très attiré par la nature et beaucoup moins par les grandes villes, comme par exemple New York où j’ai fait un stop en allant en Jamaïque. J’ai été impressionné par sa démesure mais je n’y passerais pas trois semaines. Je cherche aussi des relations humaines qui ne soient pas faussées. Je n’ai pas aimé par exemple à Marrakech être sans cesse alpagué par les vendeurs, et sentir le poids de la relation pécuniaire, ce que je comprends tout à fait néanmoins. Cette impression négative, je l’ai aussi ressentie en Thaïlande. 
Destinations concernées: