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Béatrice Lobé : le voyage comme retour aux sources

Elle est basée à Londres en tant que project manager du groupe International SOS & Control Risks. Du Cameroun de ses origines, en passant par la France, l’Europe, les Amériques ou l’Asie, elle reste, dans ses voyages, en quête d’atmosphères de son enfance.

Béatrice Lobé

Vos parents vous ont-ils transmis une culture de voyages pendant votre enfance ?

Ma mère travaillait à Cameroon Airlines ce qui me permettait souvent de prendre l’avion pour la France, l’Italie ou d’autres pays. L’avion m’a donc été très familier dès ma petite enfance. 

En même temps, ma famille faisait souvent des voyages vers « le village » de Foumban dans le royaume Bamoun à l’intérieur du Cameroun, aussi longs que pour aller en avion à Paris. Quand on voyage en Afrique, c’est toujours une affaire de famille, pour des mariages, des funérailles ou des cérémonies.

Nous partions dans des autocars non climatisés et vétustes où nous étions entassés à huit sur des sièges de quatre. Tout le monde y discutait avec tout le monde, que ce soit sur la musique choisie par le chauffeur ou sur des grands débats de société qui dégénéraient souvent en disputes. Sur notre trajet, la langue dominante était le bamoun mais on échangeait aussi en pidgin qui est un mélange d’anglais et de français puisque le Cameroun avait été partagé pendant la colonisation.

Ces voyages sont les meilleurs que j’ai gardés en mémoire. Ils nous extrayaient de notre environnement et de notre confort urbains habituels et on y trouvait beaucoup de chaleur humaine en rencontrant des gens que nous n’aurions pas forcément croisés dans notre quotidien.

Avez-vous un souvenir de vos premiers voyages vers la France ?

Nous voyagions avec des billets accordés au personnel de la compagnie aérienne. Nous allions à l’aéroport sans savoir si nous allions vraiment partir car il fallait des places disponibles et qu’aboutissent de grosses négociations avec le personnel navigant. J’avais peur de prendre l’avion.

Mais quand nous partions, tous les pilotes étaient des « tontons » et les hôtesses des « tatas » car ils  vivaient dans le même immeuble de fonction que nous. A cause de ces liens personnels, nous étions servis comme en première classe. Deux fois j’ai voyagé dans le cockpit, même si ce n’était ni normal, ni sécurisé.

En débarquant la première fois à Paris, l’aéroport m’a semblé froid, avec une odeur aseptisée (même les toilettes étaient propres !) en complet décalage avec l’aéroport de départ. Dans la foule des blancs, je me suis rendue compte que je n’avais pas la même couleur que les autres  et je me suis mise à effacer et à franciser mon accent. J’ai fait la blanche. On a tous ce réflexe en venant de là-bas dans un premier temps... histoire de ne pas paraître trop décalée par rapport aux autres. Puis il s'opère quelques mois plus tard comme une espèce de revendication de nos origines et celà devient  moins important de rentrer dans le moule. 

J’ai été impressionnée par les infrastructures, les autoroutes, les feux tricolores, les architectures, la circulation automobile,… Nous allions loger à Villepinte, que j’ai trouvée magnifique parce que je n’avais jamais vu de tels immeubles au Cameroun. J'ai compris plus tard qu'il y avait des quartiers dix fois plus beaux mais, pour moi, c'était la première vitrine de la France. 

Depuis quand vous êtes-vous installée en France ?

A 15 ans, je suis entrée à l’internat à Blois. C’était une ville de province beaucoup plus cool, moins stressante que la région parisienne avec un bel environnement naturel. Les seuls voyages que je faisais à cette époque étaient de proximité, à  Vendôme, Tours ou Marne la Vallée pendant les week-ends.

Quand avez-vous commencé à aller plus loin ?

 A la fac, pendant les week-ends, j’ai poussé jusqu’à Angers, Bordeaux, Toulouse,… Puis quand je me suis mise en couple, j’ai commencé des voyages en Europe. Par exemple, nous avons fait Paris-Barcelone en voiture. Quand je suis arrivée dans cette ville, je n’ai pas été subjuguée par la Sagrada Familia toujours en travaux : « tout ça pour ça ! » ai-je dit. J’avais préféré Port Barcarès et je me suis aperçue que j’aimais surtout être sur la route. Mes quelques voyages en Allemagne (Aix La Chapelle, Munich,…) m’ont aussi déçue. Ma première vision a été celle d'un pays triste, qui reste donc encore, pour moi à explorer...Il doit ben y avoir quelque chose de bien dans le coin ...

En revanche, j’ai été séduite dès mon premier voyage en Italie à Pise. Les villes italiennes sont belles, les italiens accueillants, un peu africains dans leur rapport à la famille et à leur mère. Je m’y suis sentie comme à la maison. A Florence, je n’ai pas été intéressée par le Musée des Offices ou le Duomo mais par les couleurs rouges, orangées et ocres, me rappelant la terre de mon village d’origine de Foumban au Cameroun, de même que par les rues, les sensations, l’atmosphère, le linge aux fenêtres, les gens sur les terrasses et balcons, les bons plats en quantité,… J’ai eu l’impression d’un retour à la maison. C’est pourquoi j’ai multiplié les voyages dans ce pays à Rome, Naples, Turin, Padoue, Venise,…

Vous êtes aussi une grande voyageuse d’affaires ?

A la différence d’un voyage personnel que l’on choisit, un voyage d’affaires est imposé par les circonstances et, d’une certaine façon, on le subit. C’est un voyage toujours très court qui ne laisse pas le temps de visiter. C’est souvent un peu comme si on n’était jamais allé dans le pays. Le côté positif pour moi est que ces voyages d’affaires sont des voyages éclaireurs : ils sont une opportunité et une première impression et je peux me dire « j’y reviendrai » comme je l’ai fait pour Londres, Prague ou Singapour. 

Depuis sept ans, mon métier m’a fait basculer dans des déplacements professionnels répétés, surtout en Europe, comme à Londres ou à Prague. Ma préférence va nettement à Prague où je n’ai jamais été aussi bien reçue, où je n’ai jamais aussi bien mangé et où la bière est moins chère que l’eau ! Dans les rues pavées autour du château j’ai l’impression d’être en 1800.

Je suis allée deux fois à Singapour. La première fois pour une conférence où j’étais logée au Carlton en face du Raffles. Ce pays est le must en termes de confort et de services et il m’a appris à apprécier les bonnes choses. Je suis maintenant plus sensible à un bel hôtel qu’à un restaurant étoilé. J’y ai aussi découvert une autre facette de cette ville, celle que j’appelle la gastronomie de rue. Certaines rues de la ville se transforment la nuit, par exemple le marché ouvert de Lau Pa Sat en plein centre-ville où l’on trouve une cuisine incroyablement cosmopolite.  J’y ai un souvenir mémorable de crabe braisé.

En revanche mes voyages professionnels comme personnels aux Etats-Unis, que ce soit à New York, Miami ou Las Vegas, ne m’ont pas marquée. Ces villes modernes ne me parlent pas, je ne m’y sens rattachée à rien. Peut-être que La Nouvelle Orléans évoquerait quelque chose pour moi. Car ce qui me parle c’est toujours une atmosphère, un lien culturel, une habitude de vie.

Avez-vous ressenti ces impressions de rattachement à vos racines dans d’autres pays ?

Oui, en particulier au Mexique, où j’ai partagé un circuit en autocar avec un groupe de 16 personnes. Même si nous n’étions pas aussi tassés, ce groupe m’a rappelé mes voyages en autocar du Cameroun à cause des discussions interminables qui animaient les longs trajets. La promiscuité oblige à vivre comme dans une famille, même lorsqu’on se dispute.

Dans ce circuit sur les routes Mayas où nous logions dans des haciendas tenues par des habitants j’ai eu plusieurs fois l’impression d’arriver dans un village camerounais, comme à San Juan Chamula qui m’a beaucoup marquée. J’étais d’autant plus à l’aise dans ce pays que j’avais étudié la langue et la civilisation espagnoles au lycée.

Avez-vous vu d’autres pays d’Asie que Singapour ?

Oui l’un de mes derniers voyages a été la Thaïlande. Je me souviens que le premier petit livre que ma mère m’avait offert quand j’étais petite était « La rivière Mékong » avec des illustrations de rizières et de costumes traditionnels. Même si je ne suis pas allée sur les rives du Mékong, j’ai beaucoup aimé la Thaïlande, le côté humain de ses habitants, toujours gentils et disponibles, j’ai adoré sa cuisine ou les contrastes de Bangkok par exemple entre l’ultra modernité du métro et, quand l’on en sort, les petits commerçants de rues qui vendent des insectes grillés.

Quels pays aimeriez-vous visiter aujourd’hui ?

En Amérique Latine, les pays andins comme le Pérou, en Asie, le Japon et en Afrique, il me reste beaucoup de pays à découvrir. A terme, je pense d’ailleurs que je retournerai vivre un jour en Afrique.

D’une certaine façon, vous vivez toujours le voyage comme un retour aux sources ?

C’est certain, on m’a arrachée trop vite à mon enfance et j’en ai gardé la nostalgie. Je voyage toujours avec la conviction qu’on peut toujours trouver ou retrouver un bout de chez soi un peu partout dans le monde. C’est du moins ce que je cherche.