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L’exposition "Frontières"

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Devant le Musée de l'histoire de l'immigration à Paris, un homme à la mer évoque le passage des frontières par les migrants, thème d'une exposition.

Le côté rouge des frontières. L’exposition "Frontières" du Musée de l’histoire de l’immigration à Paris m’a fait réfléchir. Les frontières ont parfois un côté excitant pour nous occidentaux, voyageurs nés du bon côté et qui avons des papiers en règle. Une frontière est une étape à franchir qui nous ouvre les portes de la nouveauté et des vacances. De l’autre côté, on découvre une nouvelle langue, une nouvelle culture, de nouvelles architectures, une nouvelle population, de nouvelles habitudes alimentaires,…. Certains y voient un tampon supplémentaire apposé sur leur passeport qui valorise leur qualité de "grand voyageur".  C’est le recto, que j’appellerais le côté rose ou vert de la frontière, celui que personnellement je connais.

Pour les autres voyageurs, ceux des pays pauvres ou en guerre, migrants nés du mauvais côté, sans papiers en règle, les frontières sont des obstacles à franchir qui les empêchent de fuir. Ces lignes rouges interdites sont une angoisse. Elles représentent la peur d’être refoulés ou emprisonnés, voire d’y être blessés ou d’y perdre la vie. Or ces frontières sont de plus en plus nombreuses et de moins en moins perméables avec de plus en plus de barbelés tranchants et de murs toujours plus hauts. C’est le verso, que j’appelle le côté rouge des frontières, la couleur du sang, baignée de drames. C’est celui que beaucoup de mes amis ont connu.

L’exposition « Frontières » présente ce côté rouge, le verso des frontières. Elle nous "invite à aller regarder de l’autre côté". Son affiche rouge parle d’ailleurs "des limites et leurs limites". J'avais déjà vu une exposition passionnante au Musée de l'immigration. Celle-ci m'a touché au plus profond. Et devant le bâtiment du musée, porte Dorée à Paris, apparaît une immense statue d’un homme …. rouge en train de nager. Comme les milliers de migrants qui tentent de franchir les frontières par la mer.  L’exposition précise que 10 000 migrants sont morts dans la Méditerranée depuis 1998 et que 15 000 sont morts à nos frontières si l’on prend en compte aussi les frontières terrestres.

Le photographe Bruno Boudjelal, avec des vidéos et des photos terribles a rebaptisé la Méditerranée traditionnellement appelée "mare nostrum" en "mare mortuum". Ces histoires de voyageurs rejetés que sont les migrants  ne sont pas du tout marginales. J’ai appris dans l’expo que le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, évaluait à 60 millions le nombre de personnes relevant des migrations forcées par des persécutions dans le monde. Ce chiffre égale la population entière de la France.  

L’exposition raconte l’histoire des frontières dans le monde : la grande muraille de Chine, le mur d’Hadrien construit par les romains aux limites de l’Ecosse,… Plus récemment il y a eu le rideau de fer, la zone démilitarisée entre les deux Corée, le très technologique mur « Bush » entre les Etats-Unis et le Mexique, les murs entre Israël et la Palestine, le Border security force entre Inde et Bangladesh, … En général pour se protéger de plus pauvres ou de "barbares". Et puis les pays européens, d’où il était plus facile d’entrer que de sortir jusqu’à la première guerre mondiale, ont créé une zone de libres mouvements internes qu’est la zone Shengen… devenue une forteresse vis-à-vis de l’extérieur.

Le jour où je l’ai visitée, j’ai été surpris de voir que cette expo était surtout fréquentée par de jeunes français, au profil de grands voyageurs, comme si ce sujet les interpellait. L’exposition est riche. Elle présente beaucoup de photos, vidéos, dessins, œuvres d’artistes, objets (comme un uniforme de "vopo" de sinistre mémoire), cartes de géographie, chiffres, chronologies,… l’impression est très didactique, avec beaucoup de textes, de style universitaire… Il faut prendre son temps.

Ce qui m’y a personnellement le plus ému est une curieuse vidéo sans images, "Liquid Traces" de Charles Heller et Lorenzo Pezzani.  Elle montre une carte comme celle d’un écran bleuté de radar où l’on suit l’itinéraire d’un zodiac surchargé de migrants. Le commentaire raconte l’histoire de ces 72 passagers partis de Libye en 2011 pour l’Europe. A cette époque de guerre en Libye, la Méditerranée  était une des mers les plus surveillée du monde. Ce "left-to-die-boat" a été vu, surveillé, identifié, approché, photographié de très nombreuses fois. Mais il n’avait pas assez d’essence pour aller jusqu’au bout et il a été abandonné à son sort. Quand les vagues l’ont ramené 14 jours plus tard sur les côtes libyennes, il n’y avait plus que 9 survivants à bord, 9 témoins qui ont raconté. Difficile de rester un voyageur ordinaire en sortant de cette expo !  

Musée de l’histoire de l’immigration, Palais de la porte Dorée 75012 Paris, métro Porte Dorée, tél 01 53 59 58 60 jusqu’au 29 mai 2016  

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