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Il est encore temps de sauver Zanzibar

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Le deux présentatrices d'Envoyé spécial

Les deux faces du voyage à Zanzibar. D’un côté, il y a un microcosme de touristes, un peu plus de 100 000 par an. Ces "happy few" installés dans des hôtels haut de gamme ont acheté du rêve attaché à ces trois syllabes, zan-zi-bar. Elles sont tirées de l’arabo-persan et signifient "la côte des noirs". Comme l’a montré un intéressant reportage de France 2, "carnet de voyage" d’Envoyé spécial, ce rêve est magique pour l’imaginaire d’occidentaux. Il est fondé sur des strates de légendes et d'histoire qui remontent à l'antiquité ; puis sur un sultanat longtemps indépendant, des senteurs de girofle, des effluves sensuels venant de Perse et d’Inde, un ancien comptoir d’esclaves de la côte swahili, des présences portugaise, omanaise et anglaise, une vieille ville (stone town) magnifique et secrète,… Le tout conjugué à des plages d’un blanc lumineux bordant des lagons aux eaux transparentes jouant avec toutes les teintes des bleus, turquoise et émeraude… C’est de cet archipel, aujourd’hui classé au patrimoine mondial de l’Unesco, que Stanley partit à la recherche du Dr Livingstone au XIXème siècle, et c’est là que Jules Verne fit faire une étape à ses héros de "Cinq semaines en ballon".

D’un autre côté il y a la population qui attend le plus souvent en vain les retombées du tourisme. C’est l’autre versant de ce « paradis » montré par ce « carnet de voyage » d’Envoyé spécial. Les petits villages de pêcheurs ont été déstructurés et grignotés par les infrastructures des hôtels de luxe. Ces établissements internationaux n’hésitent pas à voler les terres, unique gagne-pain des paysans sans titres de propriété Ils font de leurs territoires ainsi obtenus avec l’aval des autorités, des chasses gardées pour touristes d’où sont exclus les locaux.  Aucune communication ne semble possible avec les investisseurs. "Le tourisme cristallise le mécontentement de la population". Pire, le fléau de l’héroïne ("brown sugar") gangrène et décime une partie des jeunes de cette île et la moitié des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Dans le contexte de cette île, musulmane à 98 %, un parti politique d’opposition, nationaliste, favorable à l’indépendance par rapport à la Tanzanie, et qui souhaite instaurer l’application de la charia mobilise aujourd’hui de plus en plus les foules de l'archipel.

La formule "carnet de voyage" utilisée par Envoyé spécial est un peu impropre : l’émission, certes axée sur les vacances, reste composée d’enquêtes et de grands reportages de journalistes. Celle sur le Zanzibar était coincée entre un sujet sur la météo des vacances et un autre sur la grande braderie des résidences secondaires. Mais je l’ai beaucoup appréciée parce qu’elle va beaucoup plus loin que les simples reportages touristiques. Elle montre un travers fréquent des voyages et du tourisme contemporain : un déphasage voire une fracture entre ceux qui passent et ceux qui habitent un territoire. On pourrait parler d’un tourisme irresponsable qui profite, détruit et pousse les populations vers des choix extrêmes, comme aux Maldives.

Heureusement, l’intérêt de ce reportage est d’avoir montré qu’entre la carte postale et ce sombre tableau, il y a place pour d’autres attitudes. Plusieurs personnages interviewés par les reporters d’Envoyé spécial ont ainsi pris le chemin de la rencontre. Un paysagiste spécialiste des hôtels de luxe de l’île Maurice est venu créer son propre hôtel, mais en privilégiant le travail avec les habitants et en habitant lui-même avec les ouvriers de son chantier. Une française qui a quitté son emploi de cadre bien rémunéré a investi toutes ses économies pour créer une maison d’hôte insérée au cœur d’un village de pêcheurs. Un jeune français a créé avec ses économies sa propre ONG pour faire cohabiter deux mondes cloisonnés et faire profiter la population des retombées d’un tourisme responsable,… Cette poignée de témoignages prouve que sur "cette île généreuse, riche d’un métissage inscrit dans son ADN, personne n’est étranger". En sortant des schémas du vieux tourisme, il est encore temps de sauver Zanzibar.    

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