Voyageur intemporel. L’auteur-compositeur qui vient de partir est certainement un poète intemporel du voyage. Dans sa ritournelle « Il fait toujours beau quelque part », il dessinait en quelques mots les traits d’un paysage de vacances : « la plage de sable endormie, la voile au soleil éblouie, un soir un vieil air de guitare… » Il concluait : « Et moi, je ne sais pas pourquoi, éternellement voyageur, je cherche le beau temps ailleurs ». Béart, de fait toujours un peu ailleurs, a toujours ainsi révélé son attrait pour la route en même temps qu’il avouait ses interrogations.
Dans une autre chanson (« Le voyageur de rayons ») il se demande : « Qui me pousse à toutes ces courses ? Je cherche la source qui me traçait le chemin ». L’écrivain Yvan Audouard a dit de lui : « il donne de l’oreille à ceux qui l’écoutent ». Normal, il était de la génération et de l’envergure des Brel, Brassens, Trenet, Montand et Aznavour. Peut-être en plus enfantin et joyeux. A l’école, comme beaucoup, j’avais appris sa chansonnette « l’eau vive ». Il était espiègle, malicieux, coquin même quand, par exemple, dans « Chandernagor », il fredonnait amusé : « Pas question dans ces conditions d’abandonner les comptoirs de l’Inde ». Drôle de voyage, à réécouter.
En même temps, avec la légèreté du saltimbanque qu’il revendiquait, philosophe sans en avoir l'air, le père de l’actrice Emmanuelle Béart a révélé son âme de nomade. Dans une chanson « Les enfants sages vont en voyage » on entend « les mers, les terres et leurs cratères, nous cachent aussi bien d’autres mystères. Quoiqu’incrédule, ma tante Ursule s’émerveille aux romans de Jules Verne ». Le comédien et metteur en scène Jean-Louis Barrault disait de lui : « en sa présence, il y a une atmosphère d’escale ouverte à l’inspiration du moment ». Ce poète aura toujours quelque part 20 ans : « longtemps, longtemps, longtemps, après que les poètes ont disparu, leurs chansons, courent encore dans les rues ».