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Virginie Gerbault : " Je voyage pour faire voyager "

Elle fait partie des artisans qui polissent et repolissent la production de voyages. Codirectrice de la production chez Asia, grand tour-opérateur français spécialisé sur l’Asie comme son nom l’indique, elle voyage beaucoup … pour assembler des voyages adaptés aux attentes de ses clients.

Virginie Gerbault
Votre métier consiste à voyager pour préparer des voyages ?
Oui bien sûr, je voyage pour faire voyager les autres. Mais ce n’est pas aussi simple qu’on l’imagine. Mes voyages consistent à faire en sorte que les voyages que je fais permettent de construire des voyages qui soient réalisables. Par exemple au Cambodge, il y a de plus en plus de temples qui sont rendus accessibles au public. Mais tous les voyageurs ne sont pas des experts en archéologie prêts à parcourir des heures de pistes pour enchaîner des visites de temples anciens qui se ressemblent.
Pour un tour opérateur il ne suffit pas de rêver et de produire des voyages. Si ces voyages ne se vivent pas bien, ils ne se vendront pas bien. Il faut donc les tester en réel, à la hauteur de ce que les gens attendent. Nous devons les vivre nous-mêmes comme si nous étions des clients. C’est le but de mes voyages.
 
C’est un métier fantastique ?
Je reconnais que mon métier est une chance fabuleuse. Mais certaines personnes pensent que je passe ma vie à voyager. Je le fais sans doute plus que la moyenne mais je ne passe pas mon temps entre un avion et un autre. Je passe beaucoup de temps au bureau, à animer des réseaux, à former des gens, à écrire des brochures, … Et les voyages eux-mêmes ne sont pas toujours la vie rêvée des anges, ils sont souvent épuisants avec des temps de route interminables, des horaires surchargés… Pourtant je ne suis pas du tout blasée et mes voyages restent une source d’autosatisfaction extraordinaire.
 
D’où vous est venu ce goût pour le voyage ?
Mes parents m’ont transmis une vraie culture du voyage. J’ai toujours vu des valises et des sacs à la maison. Par exemple mon père avait visité l’Europe du sud en Vespa, dans le style « dolce vita ». Et mes parents m’emmenaient fréquemment faire des visites en France et en Europe. Quand ils ne le faisaient pas, j’étais déchirée et je cherchais à m’inviter en rentrant dans leur valise !
Puis j’ai fait des études aux Etats-Unis où je profitais de chaque week-end et du plus petit moment de vacances pour visiter une nouvelle ville et un nouvel Etat. Je n’étais jamais en mode sédentaire et j’en profitais toujours pour aller plus loin et voir d’autres choses.
 
Vous avez facilement trouvé du travail dans le voyage ?
J’ai trouvé mon tout premier emploi dans l’univers du voyage puisque j’ai été embauchée à la publicité du magazine Air France Madame. Mais je devais avoir une prédestination pour le tour-operating puisque je m’étais fait une réputation de spécialiste en voyages auprès de mes amis et parents : je les conseillais sur les destinations à voir et les meilleurs hôtels. J’avais déjà un regard de tour-opérateur, y compris sur le terrain où je pratiquais déjà intuitivement des inspections d’hôtels. 
J’avais déjà fait un voyage au Sri Lanka (mon premier long courrier !) quand je suis entrée chez Asia en 1998, directement comme chef de produit où j’ai été responsable tour à tour de destinations d’Asie du sud-est qui sont la spécialité de ce tour-opérateur : Thaïlande, Philippines, Malaisie, Singapour, Birmanie, Cambodge, Laos,...
 
Comment s’y prend-on pour fabriquer un voyage ?
Entre les idées et les nouveaux produits, nous travaillons toujours en flux tendus. Une idée germe parce qu’elle correspond à une thématique, une nouvelle route aérienne, à un site nouvellement accessible ou à un nouvel hôtel. Autour de cette opportunité, nous sommes toujours à la recherche du possible sur Internet, mais aussi à travers des lectures de livres, de récits de grands voyageurs, voire de magazines de décoration,…  De plus, comme nous sommes tous de formation marketing, nous raisonnons en cibles comme les familles, les produits d’entrée de gamme, les produits exclusifs et sur mesure,… sans oublier de nous questionner sur les tropismes de nos clients.
Quand notre idée est suffisamment mature, nous la soumettons à nos agences réceptives sur place avec lesquelles nous avons l’habitude de travailler depuis très longtemps. Nous les briefons le plus précisément possible si nous voulons avoir un retour de qualité. Lorsqu’ils ont élaboré un produit, nous devons aller nous-mêmes le tester pour voir s’il répond bien au cahier des charges.
 
Alors vous êtes souvent sur le terrain ?
Un chef de produit effectue deux types de missions, des missions exploratoires et des tests de nouveaux produits. Ces voyages sont toujours soigneusement préparés, mais sur place, nous restons toujours à l’affût car nous gardons toujours dans nos étagères intérieures des produits en réserve. Il faut rester flexibles et laisser la place à l’imprévu. Les voyages sont comme la haute-couture, il est bien d’avoir toujours des idées d’avant-garde, mais il faut leur laisser le temps de la maturation.
En ce qui me concerne, j’effectue chaque année 3 à 4 grands voyages en tant que responsable de production de 8 à 15 jours chacun. C’est toujours trop court et choisir c’est renoncer. Il nous arrive donc de repartir frustrés. Par exemple en octobre dernier, j’aurais aimé assister à une fête sur le lac Inlé en Birmanie, hélas, ça n’a pas été possible.
 
Mais vous faites aussi des voyages personnels ?
Aujourd’hui je pratique trois catégories de voyages : des voyages professionnels, des voyages en couple et des voyages en famille avec mes enfants. Chacune de ces catégories se vit à un rythme vraiment différent et dans chacun d’entre eux on voit des choses totalement différentes.
Dès que j’ai des vacances, je pars en voyage, pas forcément au bout du monde à cause des budgets ou du climat. Dans ces voyages, j’aime bien mixer l’inattendu. Par exemple, l’année dernière j’avais mixé le côté archi moderne de Hong Kong et au côté culturel et archéologique du Cambodge. Une autre fois c’était le Karnataka en Inde et les Maldives. Mais nous sommes aussi allés au Tamil Nadu et au Kerala, au Sultanat Oman,…
 
Et vos enfants voyagent avec vous ?
Nous emmenons nos deux enfants en voyage depuis leur plus tendre enfance. Avec de jeunes enfants blonds aux yeux verts, les gens nous regardent différemment et viennent vers nous, que ce soit au fin fond d’un wadi à Oman ou sur le marché de Denpasar à Bali.
C’est pour nous un mode d’éducation qui leur donne une ouverture d’esprit dans la rencontre d’autres cultures, d’autres façons de vivre, de voir, de se nourrir. Nous tenons à leur montrer des écoles dans les pays que nous visitons pour qu’ils perçoivent leurs privilèges, la vie difficile de certains enfants et que l’école se mérite pour beaucoup. Ils ont vu par exemple que des enfants devaient faire 10 kilomètres à pied pour aller à l’école au Cambodge.
 
Vous allez toujours en Asie ?  
Nous restons de fait très tournés vers l’Asie qui est vraiment un choix de destination par amour.  Mais j’attends que mes enfants grandissent pour partir avec eux dans l’ouest américain et en Amérique latine. Le Japon est aussi dans la liste des destinations que nous voulons voir avec eux.
 
Quels sont les voyages qui vous font le plus rêver ?
Par exemple je suis fan de l’Italie que j’adore. Mais en Amérique Latine le Pérou, l’Argentine et le Brésil me font rêver, comme l’ouest des Etats-Unis et la Mongolie.
Mais au-delà des pays et des destinations, ce sont davantage des expériences qui me font rêver. Par exemple le Canada que j’ai visité avec mes parents, c’est d’abord le ski-doo que j’y ai fait avec eux qui me fait rêver, bien plus que le pays lui-même. Et si je rêve de l’ouest américain ou de la Mongolie, c’est d’abord pour les randonnées à cheval que j’y ferai.
 
Quelle est votre définition d’un voyage ?
Ma définition idéale d’un voyage est une alchimie de lieux et de gens. C’est comme une recette de cuisine dans laquelle il faut bien doser les ingrédients. Dans un voyage, il faut bien sûr de très beaux sites, qu’ils soient naturels ou faits de vieilles pierres, mais il faut des sites qui ne soient pas morts. Il y faut de l’humain et des rencontres. Par exemple j’ai visité récemment au Cambodge une superbe île-hôtel, Song Saa. J’aurais pu me contenter de profiter de la plage et du soleil, mais j’ai apprécié d’aller découvrir le projet de cet établissement pour aider le village voisin. J’ai besoin de ce mix.
Les voyageurs cherchent parfois en en faire trop en une seule fois. Un voyage très dense n’est pas forcément un bon voyage. Le vrai luxe aujourd’hui est de prendre son temps pour profiter des lieux en mode contemplatif et pour laisser la place à la rencontre. 
J’ai en mémoire une histoire qui a marqué mon enfance : mes parents avaient rencontré sur la plage de Bentota au Sri Lanka, un jeune garçon Sri Lankais qui leur avait simplement demandé d’où ils venaient. Ils avaient engagé la conversation, puis s’étaient liés d’amitié.  A leur retour en France, ils avaient envoyé à ce jeune Anura un atlas géographique. Et depuis 40 ans, Anura, qui a maintenant 55 ans, et mes parents ont continué de s’écrire. Bien que mon père soit décédé, Anura fait maintenant quasiment partie de la famille.
J’ai une autre anecdote montrant la force de l’humain dans les voyages. Lors de mon dernier séjour en Birmanie, alors que j’approchais d’une ville à 50 kms au nord de Rangoon, je voyais une foule de plus en plus dense agitant de petits drapeaux rouges, plus on approchait, plus on observait la ferveur de cette foule. C’est en arrivant à l’hôtel que j’ai compris : la foule attendait Aung San Suu Kyi qui avait été installée dans le même hôtel que moi et qui est venue dîner à la table voisine de la mienne. La probabilité d’une telle rencontre était infinitésimale. Le voyage l’a permise.
Destinations concernées: