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"Volez voguez voyagez" au Grand Palais

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Rêve dans l'exposition de Louis Vuitton "Volez voguez voyagez" du Grand Palais à Paris

Se faire la malle. C’est une des nombreuses formules françaises qui veut dire "partir". Elle résume bien cette exposition de bagages qui parle de voyages au Grand Palais à Paris, et qui est la vitrine intelligente du malletier Louis Vuitton. Il n’y a pas de voyages sans bagages, ni de bagages sans voyages. L’histoire des bagages est un peu celle des voyages.

Une seule fois dans ma vie professionnelle, j’ai eu le privilège de voler en Concorde, entre New York et Paris. A mon arrivée à l'aéroport Charles de Gaulle, sur le tapis de récupération des bagages, j’ai eu l’impression d’être un étranger, car ma pauvre petite valise de rien du tout était à peu près la seule à ne pas porter le sigle LV au milieu des piles des malles et mallettes toutes marquées de ces initiales prestigieuses très jet set.

Je me trouvais seul comme le petit prince sur une autre planète. Mais je n’ai eu aucun complexe puisque je n’ai jamais aimé le marron tourbeux des sacs et valises LV et toujours préféré le design coloré et lumineux des artisans italiens. Il n’empêche que cette marque française, un peu austère à mon goût, s’est imposée sur tous les continents et reste la coqueluche des hipsters contemporains, qu’ils arrivent de France, des Etats-Unis, du Golfe ou de Chine et des "senior executive" les plus attentifs à leur personne.

En parcourant cette exposition, j’ai baigné dans l’hystérie des fans de la marque, au milieu d’un public très Auteuil Neuilly Passy. J’ai pourtant trouvé la mise en scène des baluchons de luxe séduisante. J’ose un mauvais jeu de mot en disant que j’ai été emballé. Les salles, qui se présentent comme autant de tableaux thématiques successifs d’un théâtre du voyage (pont de paquebot ou de yacht, automobile décapotable, salon de train de luxe, avion,…), m’ont transporté aux époques victorienne et post victorienne de l’Europe.  

Je n’aurais pas été surpris d’y croiser Thomas Cook ou d’y rencontrer Agatha Christie bavardant avec son personnage Hercule Poirot. J’y ai vu les malles de Sacha Guitry, du couturier Paul Poiret ou du grand duc Kirill Vladimirovich Rachmaninov ! Je suis resté bouche bée devant le "secrétaire pour 30 paires de chaussures ayant appartenu à Yvonne Printemps" et sans voix devant le "porte habits garni ayant appartenu à madame Wildenstein" ou encore devant les cantines de quelque maharadjah à charger sur un dos d’éléphant. J’ai frémi devant les trousses de toilette en cuir de phoque et de python, et craqué devant un petit écritoire de voyage en chagrin.

Les petites mains du maroquinier ont déballé tout leur savoir-faire pour sublimer les paquetages de la bonne société. Ou plutôt les malles, souvent sur mesure. Elles sont en bois de peuplier, hêtre et camphrier, habillées de toiles et renforcées de feuilles de zinc ou de cuivre et de ferrures, souvent énormes puisque aux époques présentées on voyageait avec tout un tralala de domestiques sans se soucier de l’encombrement et du trop plein. On voyageait avec son chez soi, embarqué dans des malles armoires, des malles lits de campements (qui auraient été précieux à Stanley), des services à thé en faïence, avec des collections de chapeaux, de gants, de parfums, avec sa garde-robe, sa bibliothèque, son bureau…

Tous ces attirails de voyages ébouriffants sont exposés avec maestria. Louis Vuitton n'a pas inventé le voyage, mais il a inventé une manière de voyager prestigieuse. Mon principal regret est que Louis Vuitton thésaurise sur son passé. Tout reste très XIXème et début XXème J’aurais aimé y être surpris par davantage d’innovations, de nouveautés, de prospective, de créativité contemporaine, d'être plus actuel et XXIème siècle. Je me suis consolé dans la petite bibliothèque de la sortie où j’ai retrouvé des auteurs de voyages que j’aime bien comme Joseph Conrad, Nicolas Bouvier ou Claudio Magris, édités par le groupe Louis Vuitton (collection Voyager avec…).

Au Grand Palais à Paris, salon d’honneur, square Jean Perrin, jusqu’au 21 février 2016 

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