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"Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus" de Eric-Emmanuel Schmitt

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"Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus" de Eric-Emmanuel Schmitt

La Chine par les sentiments.  J’ai acheté ce petit livre à l’aéroport CDG, attiré par son étrange titre et je l’ai avalé d’une traite pendant mon voyage. Il s’inscrit dans « le cycle de l’invisible » de ce prolifique écrivain français contemporain. Je ne partais pas en Chine mais cet opuscule limpide, facile, agréable à lire, que j’ai ingurgité le temps d’un court-courrier en Europe, m’a transporté instantanément au cœur de l’Extrême Orient. 

Pourtant Eric-Emmanuel Schmitt avoue d’emblée : « La Chine c’est un secret plus qu’un pays ». Il a donc choisi une fable pour nous la faire visiter. Son histoire se joue autour de madame Ming, qui porte un nom impérial en assurant dignement le rôle de dame pipi d’un grand hôtel et qui parle par sentences et proverbes.  

L’auteur est déconcerté par la Chine et les chinois : « Même si je la parcourais, la Chine m’échappait. A chacun de mes voyages son sol s’étendait, son histoire s’évaporait », écrit-il. En entendant un bulletin radio qui vante les 400 millions de chinois qui ne sont pas nés grâce à la loi sur l’enfant unique, il s’interroge :  « La remarque m’abasourdit : comment pouvait-on se réjouir de 400 millions de fantômes … Pourquoi investir sur le néant plutôt que sur l’être ? » Et il se demande si parmi eux il n’y aurait pas eu des nouveaux Mozart, Einstein ou Pasteur.

Cette remarque donne le ton du dialogue entre le héros de ce conte (un homme d’affaires occidental) et madame Ming. Une curieuse complicité et même une certaine affection les réunit petit à petit. Je ne dévoilerai pas l’histoire pour ne rien retirer à sa saveur. Mais cette fable permet d’entrer par une petite porte dans la mentalité chinoise toute en nuances et subtilités. Par des retournements psychologiques et un renversement du regard, pose de vraies questions sur la famille, la parentalité, le désir d’enfant,….

Au-delà, ces entrechats philosophiques jouent au jeu de la vérité et du mensonge, de la confiance, de la clairvoyance, de l’aveuglement. La vérité est-elle « juste le mensonge qui nous plait le plus » ? Qui est le menteur, l’affabulateur, le moraliste, l’inquisiteur ? Derrière son apparente légèreté, cette histoire est un agréable voyage.

Editions Albin Michel et Livre de poche 2015.

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