Thalassa à quai. Pendant des années, j’ai été un fan de Thalassa. J’y ai vu de nombreux reportages fascinants qui m’ont fait rêver de voyages et qui ont cultivé ma passion de la découverte et de l’aventure. Evidemment hier soir j’étais au rendez-vous pour l’émission de ses 40 ans qui se passait à Marseille, son lieu de naissance. Le patriarche Georges Pernoud n’a pas sabré le champagne ni fait la fête mais annoncé, sur le même ton uniforme, le programme de l’année. Puis le papy des présentateurs, avec sa bonne tête bien sympathique, a tenté de refaire une beauté à la ville de Marseille.
Son invitée d’honneur était jeune, une ancienne star de « Plus belle la vie », Aurélie Vaneck qui nous a promenés des décors de sa série télévisée à son cabanon familial. Puis deux plongeurs professionnels, Olivier et Solène, également jeunes, ont redonné un coup de jeune au bateau d’Henri Cosquer le découvreur des grottes sous-marines qui portent son nom. Puis Brahim qui mobilise les plus jeunes des quartiers nord pour nettoyer les plages a aussi fait souffler un vent de jeunesse. J’ai bien aimé aussi, le pêcheur de rascasse et, même s’ils étaient moins jeunes, les ateliers de construction de barquettes dans l’anse du Pharo. Mais ses patrons disent avoir peur de disparaître quand ils voient les hélicoptères des émirs du pétrole les survoler.
Peut-être n’ont-ils pas complètement tort. Car un long passage de l’émission m’a horripilé, celui de la promotion du promoteur immobilier, Marc Pietri qui veut faire sortir de terre une skyline de gratte-ciels. Ce mur de béton ne va-t-il pas cacher la « bonne mère » ? Mais non puisqu’on a vu Marc Piétri monter implorer Notre-Dame de la Garde pour qu’elle soutienne ses projets ! Curieusement le promoteur de Marseille-Manhattan ne veut pas qu’un promoteur touche à son petit coin de paradis à lui dans le quartier de Malmousque où il s’est réfugié dans les anciens « bains de mer chauds ».
Ma déception rejoint l’impression générale un peu diffuse qui m’avait gagné ces dernières années : Thalassa ne me fait plus autant rêver. J’ai souvent été en bisbille avec mes enfants qui trouvaient cette émission enquiquinante et barbante. Aujourd’hui je regrette ses grandes tables un peu pagailleuses de journalistes fortes-têtes. L’émission est devenue trop lisse, ordonnée, aseptisée. Elle manque d’impertinence, d’esprit critique, de drôlerie, d’improvisation, de spontanéité. On ne voit qu’une seule tête de présentateur et le ton des commentaires est trop récité, écrit, scénarisé, ponctué de poncifs type cartes postales et offices du tourisme. Comme le disait un des personnages de l’émission « Marseille vaut mieux que les clichés qu’on lui colle ».
Pourtant j’aime toujours bien Georges Pernoud, un peu génération Gabin avec une gueule de beau-père idéal. En fait, très sincèrement, ce n’est pas Marseille qui a besoin d’un lifting, mais Thalassa si l’émission ne veut pas prendre l'eau. Je crois qu’elle a encore de nombreuses et belles années devant elle car elle contient toujours des perles, à condition de faire un simple petit passage au radoub. C’est pourquoi je lui souhaite toujours « bon vent ! ».
France 3, « Marseille, plus belle la mer », vendredi 4 septembre 2015 à 20 h 50