Voyages de douleurs. Cette sculpture de Zadkine criant vers le ciel exprime, mieux que toutes les paroles, la douleur des victimes et de leurs proches. A Nice, comme partout dans le monde. Je l’ai photographiée le week-end dernier en visitant le petit musée-atelier qui porte le nom de cet artiste d’origine russe près du jardin du Luxembourg à Paris. On y voit, en prolongement de la main, une fêlure dans le mur, comme si son cri silencieux faisait craquer toutes les convenances et bienséances. Ce bronze au coeur transpercé est la maquette de la même statue monumentale que j’avais vue devant le port de Rotterdam en Hollande. Zadkine avait voulu exprimer à travers cette œuvre la souffrance, le désarroi, l’effroi des hollandais après que leur ville ait été rasée par des bombardements des nazis allemands de mai 1940.
Au cours de mes voyages, en visitant des musées un peu partout dans le monde j’ai constaté que l’art plastique savait souvent, mieux que les mots, exprimer l’inexprimable, dire l’indicible. Je pense à la grande toile Guernica de Picasso maintenant exposée à Madrid, à la Pieta de Michel-Ange à Saint Pierre de Rome, au cri de Munch à Oslo, aux visages torturés de Chaïm Soutine et Francis Bacon, à une sculpture découverte par hasard en Bourgogne, près de l'hôtel-Dieu de Beaune ou à beaucoup d’autres. Mieux que n’importe qui, les peintres et sculpteurs savent se mettre dans la peau des souffrants et résumer les barbaries humaines redondantes. Hélas, leurs sources d’inspirations restent infinies. En tant que voyageur, j’ai plusieurs fois visité des pays magnifiques, devenus par la suite des champs de ruines. Je pense au Liban, à la Syrie, au Yémen, à la Bosnie, à la Sierra Leone,… et à d’autres. Pour moi la statue de Zadkine n’exprime pas la revanche mais crie "assez !"