• Suivez-nous

    Stay
  • Stay
  • Visitez
  • Contribuez

    Vous êtes le bienvenu pour raconter votre voyage ou apporter un commentaire, Pensez à vous inscrire ou à vous connecter si vous êtes déjà inscrit.

    Stay
  • Destinations
    Stay
  • Thèmes

Le musée de la grande guerre à Meaux

On aime : 
Musée de la grande guerre de Meaux 14-18 L'uniforme en grande tenue d'un fantassin français du 33ème régiment d'infanterie (resté le même qu'en 1870)

Le monde vu des tranchées. A l’occasion de ce 11 novembre, j’ai fait mon petit voyage de mémoire, au Musée de la Grande Guerre à Meaux en Seine et Marne, à une cinquantaine de kms de Paris. Le ciel était automnal, posé comme un couvercle gris et bas et la température était glaciale. Les feuilles mortes se ramassaient à la pelle au milieu d’une nature humide, brumeuse et boueuse, sous des arbres tendant leurs branches déjà dépouillées… ambiance garantie ! J’ai reconnu l’atmosphère des récits rapportés par mes aïeux qui avaient survécu à cette boucherie de "14-18" qui avait embrasé le monde entier.

J’ai apprécié la pédagogie du musée qui montre bien l’enchainement d’un pays à l’autre de cette guerre vraiment mondiale. Tout était parti de nationalismes exacerbés dans les Balkans au centre de l’Europe. Puis, autour de ce problème, des blocs et des alliances de grandes puissances d’Europe s’étaient  constitués.  Les empires coloniaux français et anglais avaient mobilisé des soldats de tous les continents (notamment les africains pour les français et les australiens, néo-zélandais et sud-africains pour les anglais). La Russie était entrée en guerre, puis le Japon qui espérait récupérer les colonies allemandes d’Asie, puis les Etats-Unis et dans leur sillage les pays latino-américains. Puis les batailles navales s’étaient multipliées sur tous les océans…

Mais le monde entier s’était englué dans des tranchées. Le carnage humain de cette folie quasi universelle fut épouvantable : 9 millions de morts et disparus et presqu’autant d’invalides. Et dans cette comptabilité macabre la France a été de loin la plus écorchée avec près de 1,5 million de morts et disparus, soit environ 10 % de la population active masculine du pays. J’ai toujours regardé avec effroi  les listes des monuments aux morts des plus petits villages de France et même de l’outre-mer français. La visite de l’Ossuaire de Douaumont que j’avais faite il y a quelques années près de Verdun m’avait glacé le sang.

Le 11 novembre 1918, quand les canons s’étaient tus et que les cloches avaient sonné dans toute la France, un cri d’espoir avait jailli : "la der des der est finie" (comprendre que cette guerre, "la dernière des dernières" est finie : car on ne pouvait pas imaginer pire). Pourtant, je constate en 2016 que la guerre 14 n’est pas finie. Un des mérites de ce musée est de montrer l’incessant enchaînement des guerres.  Le parcours du visiteur commence avec la guerre franco-prussienne  de 1870 et l’amertume des provinces françaises de l’est perdues. Il aurait pu remonter beaucoup plus tôt, en évoquant les guerres napoléoniennes ou encore avant les affrontements entre rois européens.

Après 1918 la "der des der" était donc une "illusion de victoire", que les "années folles" ont voulu exorciser. En effet l’espoir a été de courte durée puisque l’Allemagne humiliée tombait rapidement dans les bras du nazisme, lequel conduisait 20 ans plus tard au déclenchement d’une seconde guerre mondiale. Ce sont les abominations de cette 2ème guerre mondiale qui ont entraîné la déstabilisation du Proche et du Moyen-Orient dont nous connaissons aujourd’hui les conséquences dans le monde.

Un autre mérite du Musée de Meaux est de montrer les rapprochements entre les horreurs de la guerre 14-18 et les horeurs des guerres contemporaines. Ces rapprochements sont illustrés avec des reportages de grands photographes contemporains. Par exemple, j’ai trouvé le parallèle flagrant entre les tranchés des batailles de Verdun ou de la Somme où l’on sacrifiait des milliers de soldats pour gagner quelques mètres et les combats de rue en Syrie et en Irak où l’on progresse aussi mètre par mètre entre des tunnels, abris et tranchées. Dans les deux cas le résultat est le même : des champs de ruines. Comme le notait un soldat de 14-18, "les bombardements incessants effacent le paysage". Le musée montre aussi la permanence des réflexes de destruction et de mort en Tchétchénie, la Bosnie, le Nigéria, le Soudan, etc… Il faut voir ce musée en famille pour montrer aux enfants ce qu’il ne faut pas recommencer.

Par ailleurs, le Musée de Meaux illustre concrètement la vie des soldats au quotidien au fond des tranchées en présentant une multitude d’objets, petits et grands, remettant le décor en situation de l’époque (armes, uniformes, cuirasses, gamelles,…). Il y a même une ambiance sonore avec le son des canons, la musique martiale et les discours. Il ne manque que la boue, le froid, l’urine, la crasse, les rats et les puces. Le plus émouvant ce sont les petits objets sculptés par les poilus au fond des tranchées, qu’ils soient décoratifs, érotiques ou pieux, ils témoignent de la grande détresse des soldats.

Le Musée de Meaux n’est pas le seul à témoigner de cette époque. Une carte géographique, éditée par les offices du tourisme des régions concernées, montre les "sites de mémoire de la ligne de front occidental de la première guerre mondiale" : elle recense 80 monuments, 51 cimetières, ossuaires et nécropoles, 36 musées et centres d’interprétation et 45 champs de bataille et vestiges. C’est dire la quantité de vestiges à parcourir sur des centaines de kms entre la frontière suisse et la Mer du Nord pour tenter de comprendre et d’exorciser les souffrances des combattants venus du monde entier dans des tranchées françaises. En voyageant à travers le monde, j'ai constaté que les lieux de mémoire, rappelant des guerres, n'existaient pas qu'en France mais se multipliaient un peu partout. 

Musée de la Grande guerre du pays de Meaux,  Rue Lazare Ponticelli, 77100 Meaux (ouvert en 2011)

A voir également, plus à l’est dans la Meuse, le Mémorial de Verdun 1, avenue du Corps Européen 55100 Fleury-devant-Douaumont  (rouvert en 2016 après rénovation). 

Destinations concernées: