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« Le sel de la terre » et Sébastiao Salgado

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Le sel de la Terre, l'affiche du film de Wim Wenders consacré à Sebastiao Salgado

Un voyageur, photographe et témoin. Les premières images de ce film plongent dans une incroyable photo panoramique de Sebastiao Salgado, une immense fresque prise dans une excavation géante creusée à mains d’hommes, les mines d’or de Serra Pelada au Brésil : un gigantesque fourmillement de 50 000 mineurs d’où monte une rumeur diffuse. Cette photo-tableau m’a fait penser à des peintures de Bruegel l’ancien, comme « le portement de croix » ou « Babel » : la même densité humaine dans le détail. Le peintre flamand du XVIème siècle travaillait les couleurs, le photographe brésilien du XXème siècle a choisi le noir et blanc. Ses clichés sont magnifiés par un traitement intense en laboratoire sur les contrastes, la lumière et des reflets quasi argentés. De la réalité, il tire des images parfois quasi surréalistes.

Dès les premiers instants du film qui lui est consacré, Salgado rappelle les racines grecques du mot « photographier » qui veulent dire « écrire avec la lumière ». Peut-on lui reprocher ces recréations d’artiste, son style, et parler « d’esthétisation de la misère » ou de « clichés de souffrance manipulés » ? La différence de Sebastiao Salgado avec beaucoup de photographes est qu’il ne se contente pas de passer en volant quelques clichés puis de partir ailleurs. Il reste, rencontre, partage, essaie de comprendre, s’émeut,... « Ce n’est pas toi qui prend la photo, c’est la personne qui t’offre la photo », dit-il. Il ne regarde pas ses personnages comme des insectes mais descend à leur hauteur, dans la boue, la chaleur, les risques, comme il l’a fait dans cette « folie totale » qu’est la mine de Serra Pelada. Le film de W. Wenders n’est donc pas « une ode aux clichés » (dixit un critique acrimonieux) mais une ode à l’émotion, ce qui est pour moi l’essence même de l’art.

Ce film est la rencontre de deux grands voyageurs : d’un côté photographe Sebastiao Salgado, qui, enfant, «  rêvait d’aller au-delà des montagnes » de son  Minas Gerais natal ; de l’autre Wim Wenders, un cinéaste allemand, auteur, entre autres, de « Paris, Texas ». Dans le film « Le sel de la terre », né du croisement de ces deux regards sur le monde, Sebastiao implique en plus son père dont on voit des images d’archives et son fils Juliano Ribeiro puisque celui-ci est coréalisateur du film avec Wim Wenders.

Au long de ses innombrables voyages, Sebastiao a fréquenté le peuple Yali de Papouasie occidentale, les Touaregs du Mali, les Nenets de Sibérie orientale,  les Dinkas du Sud Soudan, les peuples andins, amazoniens, les paysans mexicains, etc,… Témoin de la beauté, il fut aussi témoin des horreurs de l’humanité, rapportant de ses voyages les images insoutenables de « régions où mort et vie sont très proches » : les squelettes vivants de coptes éthiopiens, les gens « devenus comme des écorces d’arbres » lors de la famine au Mali, les kilomètres de cadavres du Rwanda, les montagnes de morts enterrés à la pelleteuse au Congo,…  Ces images nous entraînent « au cœur des ténèbres ». « La souffrance dont il a été témoin l’a transformé », commente son ami Wim Wenders.

Eprouvé, Sebastiao Salgado a été jusqu’à  « mettre en cause son rôle de témoin de la condition humaine ». Il se réfugie alors avec tristesse sur les terres laissées par son père au Brésil où la forêt a laissé la place à un désert. Pourtant, après nous avoir entraînés au fond du désespoir, il nous ramène sur le chemin de l’espoir. Avec sa femme Lélia, il se jette à corps perdu dans le reboisement de ses terres et le miracle se produit, la forêt renaît. « La terre a guéri son désespoir », commente Wim Wenders. Comme s’il avait compris une citation non avouée de Jésus : « vous êtes le sel de la terre, si le sel s’affadit avec quoi le salera-t-on ? ». Et il repart voyager autour du monde pour observer cette fois les jaillissements et les merveilles de la nature. Ceux qui lui ont reproché d’avoir regardé les hommes, peuvent-ils lui reprocher maintenant de regarder la nature ? Ceux qui lui ont reproché d’être témoin des  abominations, peuvent-ils lui reprocher aujourd’hui d’être témoin de prodiges et de splendeurs ? 

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