Pauvre et branché. En m’asseyant à une table d’hôte très cossue de Gran Canaria (aux îles Canaries), la Finca Las Longueras, j’ai été très surpris lorsqu’on m’a annoncé le plat principal : des "vieux habits" ("ropa vieja"). Etait-ce une plaisanterie ? J’ai été vite rassuré en voyant arriver une assiette appétissante et parfumée, servie de surcroît dans une jolie vaisselle, une porcelaine bleue de Woodland (de Wood and sons, de Burslem, England) qui mettait son contenu en relief.
Les "vieux habits" sont une recette traditionnelle ancienne, très pratiquée notamment dans les difficiles années de l’après-guerre civile espagnole. C’est une manière de faire du neuf avec du vieux, du réchauffé, du raccommodé pourrait-on dire avec les reste de la veille. Beaucoup de pays ont cette habitude responsable et économique de ré-accomoder les plats non consommés. Par exemple en Côte d’Ivoire on sert au petit matin, selon le même principe, du "riz couché". Les "vieux habits" espagnols ont connu un tel succès qu’ils se sont répandus en Amérique Latine (au Mexique notamment) et au Caraïbes (à Cuba en particulier).
Autant dire qu’il y a autant de "vieux habits" que de régions, peut-être même que de cuisinières. J’en ai donc goûté ce jour une version très vintage de grande famille traditionnelle canarienne. Souvent le bœuf bouilli ou la viande du jour précédent est effilochée et recuite avec des tomates, oignon, poivrons, ail, poivre, laurier et beurre, parfois des pois chiches et du vin blanc, jusqu’à assèchement. On y ajoute aussi, à convenance, des pommes de terres et différentes herbes. Ce jour-là le lifting du plat du pauvre devenu branché était réussi.