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"L’Africain du Groenland" de Tété-Michel Kpomassie

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Togo "L'Africain du Groenland" de Tété-Michel Kpomassie

Du Togo aux neiges boréales. Des centaines de milliers de français partent chaque année en voyage vers la Grèce ou les Antilles, des dizaines de milliers vont aux Etats-Unis ou en Asie. Des millions de chinois partent vers l’Europe, des millions d’américains vers les Caraïbes,… Mais jusqu’à une période récente, un seul togolais avait voyagé au Groenland. Le récit de son périple, effectué dans les années 1960, est donc exceptionnel. Il raconte ce voyage unique dans «L’Africain du Groenland » (1) publié en 1980 et qui a connu un succès international. En 2015 cet ouvrage est revenu sur le devant de la scène grâce à une réédition, préfacée par Jean Malaurie, l’ethnologue français qui l’avait devancé d’une décennie dans l’Arctique (2).

Le plus extraordinaire dans cette histoire est l’étonnante capacité d’adaptation de Tété-Michel Kpomassie. Sans doute parce qu’il sortait d’une vie de pauvre villageois au Togo, proche de la nature et des traditions ancestrales. Des caractéristiques qu’il a retrouvées chez les esquimaux du Groenland. Aucun voyageur européen, sortant de son mode de vie occidental, ne pourrait ingérer un tel choc culturel et s’immerger de la même manière dans la civilisation Inuit (par exemple en se contentant de petits déjeuners à base d’intestins et de graisse de phoques). A moins d’être un ethnologue aventureux et exalté, comme il y en a eu quelques-uns.

Très étonnant, ce virus du Groenland qui s’est emparé de ce togolais quand il était enfant... à travers un livre découvert dans une bibliothèque de son pays. La première partie de son récit raconte son enfance et comment en cueillant des feuilles en haut d’un palmier, il est surpris par un serpent et dégringole. C’est fond d’une obscure forêt sacrée, fantomatique, effrayante et interdite qu’il est guéri de cette chute. Ses parents le destinent alors à devenir ...prêtre du culte des serpents. Effrayé par cette perspective, il s’enfuit de son domicile à 16 ans.

Son désir de découvrir le Groenland ne le quittera plus et il ne réalisera son rêve qu’au bout de huit ans d’aventures. En « sempiternel voyageur », il progresse de pays en pays, Côte d’Ivoire, Ghana, Sénégal, Mauritanie, France, Allemagne, Danemark et finalement Groenland. A chaque fois, il travaille pour survivre et, surtout, la providence lui trouve des personnes qui l’hébergent et s’occupent de lui. Il apprend les langues, notamment le danois, puis la langue des esquimaux. Mais rien n’est gagné puisque quand il débarque à Julianehaab à la pointe sud du Groenland, les premiers enfants esquimaux qui le voient s’exclament : « le diable ! ».

Rien ne l’arrête et il trouve tout de suite un hébergement chez l’habitant. Ce qu’il fera pendant deux ans, de village en village, en remontant la côte ouest de cette île gigantesque. Malgré le froid, le climat (la nuit polaire en hiver) et les coutumes étranges des Inuits dont le passe-temps favori de beaucoup est de se saouler, il s’intègre complètement à leur vie et à leurs mœurs étranges, y compris sexuelles. Il vit avec eux, déboussolés par le contact avec la civilisation occidentale, dans les chambres collectives, sans eau ni sanitaires, se nourrit comme eux, par exemple de viande de baleine crue.

Son écriture est limpide et agréable, avec parfois des envolées superbes et émerveillées comme la description d’un coucher de soleil flamboyant à Upernavik. Quand il décrit les chiens de traineaux, il parle comme un esquimau. C’est du vécu, le meilleur reporter du monde ne ferait pas mieux. Surtout il compare souvent ce qu’il découvre avec ce dont il se souvient du Togo : par exemple les masques et les fêtes, les revenants, les rites de passage des jeunes garçons, les salutations, la chasse à la baleine des Inuits et celle au lion des africains, les échanges de femmes des Inuits et la polygamie des africains,…

« L’Afrique ne m’a jamais manqué », écrit-il, « je me suis à ce point adapté aux conditions d’existence de cette contrée que, rien ne pourrait m’empêcher, je pense, d’y passer le reste de mes jours ».  Pourtant, il est rentré au Togo et s’est construit une vie de famille en France. Avec cette famille, il est retourné 3 fois au Groenland. Dans sa postface de 2015, il écrit toutefois : « J’éprouve le désir d’aller à Thulé, le « ville » la plus septentrionale du Groenland et du monde, pour y passer le reste de mon existence parmi les vrais esquimaux ; désir inexpliqué, confus, mais vif, suscité sans doute par la poursuite d’un rêve toujours recommencé, l’attrait de l’inconnu toujours reculé ». N’est-ce pas ce qui pousse tout voyageur ?

(1)« L’Africain du Groenland », éditions Arthaud poche, 2015.

(2)Jean Malaurie a notamment écrit « Les derniers rois de Thulé », collection Pocket, 2001 et a dirigé la célèbre collection « Terre humaine » chez Plon. 

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